L'ex-courtier Louis Philippe Séguin avoue avoir entravé le travail d'un enquêteur de l'Autorité des marchés financiers (AMF) en lui mentant au sujet de l'identité des détenteurs de comptes d'une firme des Bahamas, dans le cadre de l'enquête de l'organisme réglementaire concernant Martin Tremblay.

M. Séguin a plaidé coupable, la semaine dernière en Cour du Québec, à une accusation en ce sens déposée par l'AMF. Il a convenu de payer une amende 5000$, soit cinq fois le maximum prévu par la loi pour une infraction de ce genre, indique l'AMF dans un communiqué.

Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF, a expliqué à La Presse Affaires que l'organisme s'est intéressé à The Kenneth W. Salomon Investment Fund (KWSIF) dans le cours de son enquête sur Martin Tremblay. Originaire du Saguenay, ce dernier exploitait une société aux Bahamas, Dominion Investments, jusqu'à ce qu'il tombe dans les griffes d'agents doubles des autorités américaines. Initialement accusé du blanchiment de plus de 1 milliard de dollars provenant du trafic de la drogue, M. Tremblay a finalement plaidé coupable à une accusation réduite et écopé de 48 mois de prison, en mars 2007.

Selon le communiqué de l'AMF, Louis Philippe Séguin a mis des bâtons dans les roues de l'enquête que l'AMF menait sur le KWSIF en prétendant faussement qu'il ignorait l'identité des détenteurs de comptes détenus par l'entremise de la société.

Le chef d'accusation initial stipulait que M. Séguin était «l'un des deux véritables détenteurs de ces comptes», mais ce passage a été biffé dans l'accusation amendée pour laquelle il a reconnu sa culpabilité.

En janvier 2006, à la demande de l'AMF, le Bureau de décision et de révision a bloqué pour une première fois les comptes de Martin Tremblay, après l'arrestation de ce dernier aux États-Unis, et a fait de même avec KWSIF, un mois plus tard. Ces ordonnances ont été renouvelées à plusieurs reprises. Toutefois, le Bureau, sur décision partagée, a levé le blocage à l'endroit de KWSIF, en octobre 2007. Le commissaire dissident, Alain Gélinas, résume ainsi le litige: «À ce stade-ci de l'enquête, l'Autorité cherche à pouvoir utiliser dans le cadre de son enquête l'information obtenue sous le sceau de la confidentialité par les autorités des Bahamas concernant un investisseur québécois. Ce dernier aurait possiblement transféré des fonds aux Bahamas afin qu'ils puissent être investis au Québec. On aurait utilisé à cette fin The Kenneth W. Salomon Investment Fund Ltd, une société ayant son adresse à Nassau aux Bahamas, afin d'ouvrir un compte auprès d'un courtier montréalais. Le propriétaire véritable du compte ne serait pas Martin Tremblay, tel qu'indiqué au formulaire d'ouverture du compte, mais un inconnu», écrit Me Gélinas.

M. Séguin, qui n'est pas mêlé aux accusations de blanchiment contre M. Tremblay, est le courtier dont il est question dans ce passage, a révélé La Presse, en décembre 2006. La Presse Affaires a tenté de joindre M. Séguin à ce sujet, hier, mais il n'a pas donné suite à notre message.

En mars 2009, un autre acteur de ce feuilleton, Michel Marcoux, a plaidé coupable à trois chefs d'accusation similaires portés par l'AMF devant la Cour du Québec. L'Autorité accusait M. Marcoux d'avoir entravé le travail d'un inspecteur à l'occasion d'une inspection de la société Avantages, en déclarant ignorer l'identité des clients de la firme de Martin Tremblay qui avaient des comptes de courtage chez Avantages.

À l'instar du KWSIF, l'entreprise figurait parmi les sociétés visées par les ordonnances de blocage du Bureau de décision et de révision dans le dossier Tremblay. M. Marcoux a été condamné à une amende totale de 15 000$.

Par ailleurs, l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (ORCVM) a aussi sévi contre Louis Philippe Séguin, en décembre 2010, parce que ce dernier a refusé de collaborer à son enquête au sujet de KWSIF.

La Cour du Québec a maintenu sa condamnation, en décembre dernier, mais a annulé la radiation permanente imposée à M. Séguin et a réduit le montant de ses amendes de 77 000$ à 20 000$.

M. Séguin, qui clame son innocence et en fait une question de principe, a obtenu la permission de porter cette décision à l'attention de la Cour d'appel, en février.