Pour parer une éventuelle crise financière qui gèlerait les marchés de crédit, Québec entend se doter d'une réserve de 6 milliards de dollars, d'ici deux ans.

Cet argent viendra s'ajouter aux marges de crédit bancaire de 3,5 milliards US que Québec s'est négociées auprès de 22 banques, a appris La Presse. La province pourrait momentanément s'y abreuver si les conditions d'emprunt devenaient défavorables.

Cette réserve prudentielle gonfle de 3 milliards les besoins d'emprunt de la province en 2012 et 2013.

«Si jamais les marchés financiers devaient traverser des périodes de fortes turbulences, le ministre des Finances aura accès à des liquidités pouvant couvrir tout près de la moitié de ses besoins de financement annuels», estime Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale.

Ces 6 milliards seront empruntés tandis que les coûts de financement sont très avantageux.

Les sommes récoltées seront ensuite converties en bons du Trésor canadien ou d'autres instruments très liquides du marché monétaire. Elles seront déposées dans un compte peu actif nommé Fonds d'amortissement afférents à des emprunts (FAAE).

À l'origine, les FAAE avaient été créés pour faciliter le remboursement d'emprunts. On y déposait par exemple l'équivalent de 1% par année de la valeur d'une obligation jusqu'à son échéance. Voilà pourquoi les FAAE sont encore aujourd'hui dotés d'un solde de 5,9 milliards investis dans divers titres à revenus fixes.

La nouvelle cagnotte sera en revanche placée uniquement en titres très liquides. Ainsi, si le crédit devait geler et rendre tout emprunt impossible sinon prohibitif, comme ce fut le cas durant l'hiver 2009, Québec pourrait utiliser le produit de la vente de ses titres pour combler ses besoins de liquidités à court terme.

Les sommes parquées dans les FAAE ne s'ajoutent pas à la dette brute puisqu'elles constituent un actif.

En revanche, l'écart de rendement entre les coûts d'emprunt et les revenus de placement gonflent quelque peu le service de la dette. Selon les calculs du ministère des Finances, le service de ses prêts sera de 15 millions cette année, de 45 millions l'an prochain et de 60 millions au cours des années suivantes, soit l'équivalent d'un coût annuel très faible de 1%.

«Québec suit l'exemple du gouvernement fédéral en se dotant d'un coussin de liquidités prudentielles, en cas de turbulence financière extrême», explique Warren Lovely, économiste chez CIBC.

Au fédéral aussi

En juin, le ministre Jim Flaherty avait annoncé son intention de doter le Canada d'une cagnotte de 35 milliards d'ici trois ans, qui s'ajouteront aux 14 milliards de son encaisse. La nouvelle était passée inaperçue puisque le budget reprenait quasi intégralement celui qu'il avait présenté durant l'hiver tout juste à la veille des élections.

L'Ontario entend aussi se créer des réserves équivalant à environ la moitié de besoins d'emprunt annuels.

En incluant la création de la réserve prudentielle, les besoins d'emprunts du fonds consolidé québécois s'élèvent à 5,87 milliards en 2012-2013. De cette somme, 4,4 milliards ont déjà été levés par anticipation, c'est-à-dire en 2011-2012.

À ces sommes, il faut toutefois ajouter les besoins d'emprunt de 5,1 milliards du Fonds de financement et de 4 milliards de Financement Québec.

En tout, c'est donc 14,95 milliards que Québec doit ramasser.

En 2013-2014, les besoins d'emprunts devraient s'élever à 17,7 milliards, à supposer que Québec ne parvienne pas à devancer des emprunts. Depuis les 10 dernières années, il est toutefois parvenu à en réaliser pour 4,1 milliards, en moyenne.

En 2011-2012, les besoins d'emprunt avaient dépassé les 20 milliards.

Belle occasion

Avec des besoins moindres en 2012-2013 et 2013-2014, l'occasion était donc belle pour profiter de l'attrait présent de la dette québécoise, qui profite de la désormais rarissime qualité AAA de la dette canadienne, pour adopter un comportement d'écureuil, en cas d'écueil.

Cette mesure est annoncée dans le Plan budgétaire déposée mardi par le ministre des Finances Raymond Bachand.