Valeurs mobilières Desjardins (VMD) a utilisé de l'information confidentielle de son concurrent, la Financière Banque Nationale (FBN), afin de débaucher des courtiers au moment de l'ouverture de sa succursale de Westmount, en janvier 2004, indique un récent jugement rejetant la poursuite de 2,3 millions du courtier Marc Stern contre la filiale du Mouvement Desjardins.

Il s'agit de deux documents, dont une liste établissant les revenus et les actifs sous gestion des conseillers financiers de la FBN au Canada. Le document a circulé au cours d'une rencontre tenue le 29 janvier 2004 par des membres de la haute direction de VMD à laquelle a assisté M. Stern. L'objectif était d'identifier des recrues pour le bureau de Westmount, relate le juge Louis-Paul Cullen, de la Cour supérieure, dans son exposé des faits d'un jugement rendu il y a deux semaines.

Le 9 janvier dernier, au cours du procès, un directeur de VMD, Bruno Desmarais - il était présent à la rencontre de 2004 -, a indiqué dans son témoignage que cette liste n'était pas confidentielle et qu'il avait lui-même participé à sa confection.

Trois jours plus tard, après avoir appris que la liste et un autre document avaient été déposés au procès, les avocats de la FBN ont soumis au juge Cullen une requête afin de les soustraire (ils ont été mis sous scellé) du dossier de la cour, «sur la base qu'ils contiennent des informations confidentielles» préparées par la FBN et dont elle est propriétaire, indique le jugement.

L'avocat de VMD a admis le lendemain que ces documents avaient été produits par la FBN et M. Desmarais est revenu à la barre, le 18 janvier, afin de «rétracter son témoignage antérieur», écrit le juge.

Le magistrat conclut qu'une partie des faits de la défense produite par VMD au sujet de ces documents confidentiels de la FBN «sont donc clairement faux», et que certaines allégations de la même défense «ont été apparemment faites avec un imprudent mépris de la vérité ou de la mauvaise foi».

Ces documents ont occupé une place importante dans le procès intenté par M. Stern - aujourd'hui vice-président et gestionnaire de portefeuille de l'Industrielle Alliance -, car il avance avoir été mis à la porte parce qu'il refusait d'utiliser «de l'information confidentielle volée à un des concurrents de VMD», selon les termes utilisés par le juge Cullen.

Chou blanc

M. Stern argue également que VMD l'a renvoyé en raison de son refus de permettre des pratiques «d'évasion fiscale» et de transactions «inappropriées» de titres à la succursale de Westmount, résume aussi le magistrat dans le paragraphe 229 de son jugement.

Cependant, M. Stern a fait chou blanc et le juge Cullen fait une tout autre lecture des raisons de son renvoi.

Après avoir fait le détail des nombreuses difficultés de M. Stern avec ses supérieurs et VMD entre avril 2003 et le 5 janvier 2006, date du congédiement, le magistrat écrit: «Si M. Stern avait voulu être congédié immédiatement, il n'aurait pas agi différemment.»

Selon le juge, VMD a d'abord rétrogradé son employé - il était responsable de la succursale de Westmount - pour des raisons sérieuses, et les motifs pour le congédier par la suite, en janvier 2005, étaient tout aussi solides.

«M. Stern n'a pas été rétrogradé parce qu'il refusait d'utiliser des informations obtenues sans droit... [mais parce] qu'il était devenu impossible de travailler avec lui de façon coopérative en raison de sa méfiance profonde envers la direction de VMD...», soumet le juge.

«Il [M. Stern] n'a pas seulement échoué à atteindre les objectifs de performance fixés par son employeur, il n'a même pas essayé [de le faire] avec diligence», ajoute-t-il.

»Allégations»

Joint par La Presse Affaires, André Chapleau, porte-parole, a indiqué que VMD est satisfaite du jugement Cullen. Malgré les conclusions du juge, M. Chapleau a déclaré: «Nous n'avons jamais reconnu avoir utilisé une liste [de la FBN]. Ce sont des allégations et nous ne les avons jamais reconnues.»

L'avocat de M. Stern, Gordon Selig, n'a pas très bien accueilli les conclusions du magistrat et il a indiqué que son client n'a pas encore décidé s'il interjettera appel.