De nouveau hier, la Banque centrale européenne (BCE) a gorgé de liquidités les institutions financières présentes dans la zone euro. Cela va donner aux élus un peu plus de temps pour trouver une solution crédible et durable à la crise des finances publiques qui secoue le Vieux Continent depuis maintenant deux ans.

Les 529,5 milliards d'euros prêtés pendant trois ans à quelque 800 banques pourront servir soit à les refinancer, soit à accroître leurs réserves ou, enfin, à prêter aux particuliers, aux entreprises et aux États de la zone euro.

Cette opération, la seconde en trois mois, a surpris un peu par son ampleur. Lors de la précédente, lancée en décembre, 523 institutions avaient emprunté 489 milliards d'euros, aussi pour trois ans.

Le rendement exigé par la BCE est très alléchant: il correspond à son taux directeur durant la période du prêt. Ce taux est maintenant de 1,0% et d'aucuns prédisent qu'il ne bougera pas de sitôt.

La BCE avait aussi élargi la gamme de valeurs mobilières acceptées en nantissement dans le but d'accroître la participation des plus petites institutions, très engagées dans les prêts à la PME ou aux ménages, deux rouages essentiels à la relance de la croissance.

Londres en profite

Les grandes banques n'ont pas non plus raté l'aubaine. Ainsi, le Lloyds Banking Group, partiellement nationalisé par Londres en 2009, a confirmé à la BBC avoir emprunté 13,5 milliards d'euros. La vénérable banque n'aurait pu ramasser autant d'argent en se finançant sur les marchés.

En ces deux opérations qu'elle n'entend pas renouveler, la BCE a ainsi prêté plus de 1000 milliards aux banques européennes. Selon les calculs de plusieurs économistes, plus de 600 de ces 1000 milliards d'euros constituent de nouveaux prêts, soit l'équivalent de quelque 850 milliards US.

«C'est beaucoup de liquidités, faisait observer hier matin Dov Zigler, économiste chez Scotia. À titre de comparaison, la deuxième phase de détente quantitative de la Réserve fédérale était de 600 milliards.»

La BCE est en train de dégeler le crédit bancaire. «On en a eu un autre signe avec les enchères sur les prêts de trois mois en dollars américains. Seulement 14,5 milliards ont été empruntés comparativement à 50,6 milliards, il y a trois mois, rappelle Michel Martinez, économiste à la Société Générale.

Ces centaines de milliards ne combleront pas les besoins de recapitalisation de plusieurs banques européennes, mais sont de nature à renforcer leur rentabilité. C'est un souci de moins pour les décideurs politiques et monétaires.

Adoption du Traité

C'est demain à Bruxelles que les élus doivent en principe adopter le nouveau traité intergouvernemental qui s'apparente à un pacte budgétaire, voire à une union fiscale.

Le principe de ce Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire a été accepté le 9 décembre et adopté par les parlementaires européens le 2 février. Vingt-cinq des vingt-sept pays de l'Union entendent y adhérer, le Royaume-Uni et la République tchèque faisant défection.

Le Traité doit ensuite être ratifié par chaque État signataire. Pour qu'il entre en vigueur le 1er janvier prochain, la ratification de12 des 17 pays de la zone euro est requise.

Mardi, l'Irlande a jeté un pavé dans la mare en annonçant que sa ratification fera l'objet d'un référendum, une entreprise qui exigera de trois à quatre mois. La décision va sans doute stimuler les forces d'opposition dans plusieurs autres pays qui s'opposent à ce qu'ils considèrent comme un transfert excessif de souveraineté à la bureaucratie bruxelloise.

Le traité est très contraignant: il limite à 0,5% le déficit budgétaire structurel des États et à 60% le ratio de la dette publique sur la taille de l'économie. Faute de quoi des sanctions pourraient être prises, sans compter que l'accès au Mécanisme européen de stabilité (MES) financière serait fermé aux pays délinquants, sur décision de la Cour de justice européenne.

Le MES doit être mis en place en juillet et sera doté d'une puissance de feu d'au moins 500 milliards d'euros. Cette somme est jugée insuffisante par maints observateurs, mais exorbitante par de plus en plus de contribuables européens qui devront l'endosser.

Tant le traité que le MES visent à fournir une réponse crédible et durable aux marchés financiers.

Ces derniers sont sceptiques et incitaient hier la BCE à acheter des obligations du Portugal, perçu comme le prochain domino...