L'Union européenne se porte à nouveau aujourd'hui au chevet de la Grèce, mais paraît partagée sur l'utilité et les coûts de sa réanimation.

Aussi, les échanges porteront sans doute aussi beaucoup sur l'évaluation des risques d'un défaut de la république hellène, le 20 mars alors qu'une tranche de 14,5 milliards d'euros de sa dette vient à échéance.

«Un défaut engendrerait un choc d'incertitudes non négligeable», expliquait la semaine dernière en entrevue Michala Marcussen, économiste en chef chez Société Générale Corporate & Investment Banking.

Il faudrait dans les plus brefs délais que les membres de la zone euro y aillent d'une déclaration solennelle stipulant qu'il n'y aura pas d'autres Grèce parmi ses membres.

Cela signifie venir au secours du Portugal qui peut (re) financer sa dette jusqu'en 2013 grâce aux milliards avancés par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et par le Fonds monétaire international.

Après, le pays lusophone devra revenir au marché, ce qui paraît impossible, compte tenu des taux prohibitifs exigés par les prêteurs.

Devra s'ensuivre un deuxième plan de sauvetage pour éviter que ses créanciers actuels subissent une perte significative sur les obligations portugaises qu'ils détiennent.

Les créanciers privés de la Grèce semblent disposés à accepter une perte de quelque 70% sur la dette qu'ils détiennent à la condition expresse qu'ils n'auront pas à revivre l'amère expérience avec un autre membre de la zone euro.

«Qu'arrivera-t-il si l'Europe laisse tomber la Grèce, mais doit ensuite sauver ses banques pour éviter une cascade de faillites d'entreprises?» demande l'économiste basée à Paris. Aux frustrations présentes s'ajouterait un dangereux sentiment d'injustice.

Évidemment, si on laisse la Grèce faire défaut, cela laisse plus d'argent au FESF pour aider le Portugal...

«La zone euro est partagée sur le sort de la Grèce, mais le risque d'éclatement de la zone euro est très petit», insiste-t-elle.

La grande difficulté consiste à bien faire fonctionner le système public grec tout en matant le risque non négligeable d'un nouveau régime militaire. Cela suppose que l'Europe apporte une aide technique pour mener une réforme des institutions publiques grecques.

Pareille avenue serait une autre humiliation pour les Grecs. «Quel que soit le dénouement de la crise, elle entraînera des années de douleur économique», prédit Mme Marcussen.

Selon un récent sondage, il appert que les Grecs sont les plus attachés de tous les Européens à l'euro. Sans doute comprennent-ils les souffrances qu'entraînerait la résurrection de la drachme.

Les masses populaires réclament cependant que tout le monde fasse des sacrifices pour sauver le pays de la faillite.

Mme Marcussen rappelle que le premier ministre italien, le technocrate Mario Monti, est parvenu à faire un peu mieux avaler le remède de cheval qu'il impose en prenant à partie les riches clients des stations de ski et des boutiques de luxe, juste avant les Fêtes.

Un cycle mou

Le désendettement en Europe et aux États-Unis entraînera une croissance molle au cours sans doute des cinq prochaines années.

Mme Marcussen soutient que les stimuli apportés par des politiques monétaires exceptionnellement accommodantes vont avoir de moins en mois d'effet. La rigueur budgétaire mordra par conséquent beaucoup dans la croissance.

Si les entreprises regorgent d'argent, elles ne peuvent accroître leur production que modestement, faute de demande. Les économies émergentes ne peuvent compenser le ralentissement de la consommation dans les économies avancées.

En outre, il y a un prix à payer pour les mesures d'assouplissement non conventionnelles lancées par les banques centrales américaine et anglaise: c'est la répression financière, c'est-à-dire des rendements obligataires réels nuls, voire négatifs.

Éventuellement, il faudra renverser la politique monétaire pour éviter la formation d'une nouvelle bulle dans les actifs ou pour contrer les pressions inflationnistes, à venir de la Chine.

«Les États-Unis vont tolérer plus d'inflation pour limiter le chômage parce que leur filet de sécurité sociale est moins fort qu'en Europe», prédit-elle.

Voilà qui promet quelques maux de tête au sein de la Banque du Canada...