Nicolas Sarkozy entend taxer les transactions financières dès les prochaines semaines, quitte à susciter le mécontentement de ses partenaires européens.

«Si nous ne montrons pas l'exemple, cela ne se fera pas», a-t-il déclaré hier à l'issue d'une rencontre avec la chancelière allemande, Angela Merkel, à Berlin.

Bien que Mme Merkel ait salué officiellement la volonté du président français de «donner l'exemple», elle a précisé que son propre gouvernement veut d'abord obtenir une déclaration d'intention des autres pays de la zone euro à la fin du mois de mars.

La Commission européenne s'était prononcée l'été dernier pour l'instauration de la «taxe Tobin» (du nom de l'universitaire qui a avancé l'idée au début des années 70), qui devait entrer vigueur en 2014.

Devant l'empressement de Nicolas Sarkozy, la Commission a souligné la semaine dernière qu'il est important d'adopter une «approche cohérente» à l'échelle européenne de manière à obtenir des «résultats efficaces».

Le chef du gouvernement italien, Mario Monti, estime pour sa part qu'il est «nécessaire que les pays européens n'aillent pas en solitaire dans l'application de cette taxe».

À Londres, David Cameron, qui craint son effet sur les activités de la City, a déclaré qu'il s'opposerait à son introduction à moins d'une adoption à l'échelle planétaire, pour le moins improbable.

La France maintient malgré tout son intention d'aller de l'avant. «L'Europe, a dit Sarkozy, a la fâcheuse tendance d'aller un peu plus lentement que la musique.»

«Il faut faire participer la finance à la réparation des dégâts qu'elle a provoqués. La taxe sur les transactions financières doit être mise en oeuvre», a plaidé le président dans ses voeux du Nouvel An à la population française.

En 1999, Nicolas Sarkozy avait pourtant déclaré que la taxe Tobin était une «absurdité» qui entraînerait en France «des dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires».

Critiques

Certains économistes relèvent que l'initiative unilatérale de la France risque simplement d'entraîner le déménagement d'une partie des activités financières actuellement centrées à Paris.

Le Parti socialiste estime que Sarkozy tente de convaincre les Français de la volonté du gouvernement de réguler les marchés avant le premier tour de l'élection présidentielle, en avril.

Nicolas Sarkozy est «tellement dévalué auprès de ses partenaires européens, comme auprès des marchés, comme auprès des Français, que cette idée qu'il utilise, il est en train de la gâter», a déploré le porte-parole du PS, Harlem Désir.

La critique la plus féroce vient cependant de l'organisation Attac, qui milite depuis des années pour l'instauration de la taxe Tobin.

Selon l'un de ses présidents, Thomas Coutrot, le gouvernement risque de se limiter à la réintroduction de la taxe sur les achats d'actions, qu'il avait lui-même abolie en 2008, une mesure limitée sans lien avec une véritable taxe sur les transactions financières. L'équipe de Sarkozy cherche à tirer profit de son volontarisme économique pour démontrer que le candidat socialiste, François Hollande, n'a «ni bilan ni proposition» à soumettre à la population française.

Selon un nouveau sondage IFOP paru dans le Journal du dimanche, Sarkozy récolterait 26% des voix au premier tour et Hollande, 28%. Ce dernier est toujours donné gagnant au second tour, mais avec une majorité réduite à 54%, en baisse de 2 points par rapport au mois de décembre.

La taxe sur les transactions financières, proposée en 1972 par le prix Nobel d'économie James Tobin, est l'un des principaux chevaux de bataille des mouvements altermondialistes. Elle prévoit un prélèvement de 0,05% à 1% sur chaque transaction financière internationale ou sur toute transaction pratiquée sur les marchés financiers, de manière à freiner la spéculation, en particulier à court terme. Les économistes sont partagés sur son efficacité potentielle.