Démêler les méandres de la politique italienne et, de façon plus générale européenne, est devenu aussi compliqué que de séparer des spaghettis cuits dans un bol.

Or, le temps presse au point où investisseurs et spéculateurs perdent patience.

Rome doit aujourd'hui refinancer pour un an 5 milliards d'euros de sa dette et ça risque de lui coûter très cher, en présumant qu'elle trouve preneur.

Hier, il lui en aurait coûté plus de 8%, alors qu'un taux supérieur à 7% est jugé intenable par les détenteurs de ses obligations qui tentent par tous les moyens de s'en départir. Seule la Banque centrale européenne (BCE) est acheteuse, mais elle n'a pas les moyens de tout absorber.

L'an prochain, la Péninsule doit refinancer environ 360 milliards de sa dette colossale de 1900 milliards d'euros (environ 2200 milliards de dollars), la troisième en importance dans le monde.

Quelle que soit l'échéance choisie pour attirer les acheteurs sur le marché obligataire, ils exigent désormais un rendement de plus de 7%. Pour cinq ans, le coût est de 7,57%, pour 10, c'est 7,49%. Il s'agit d'un bond de plus de 65 centièmes par rapport à mardi.

«La panique est retour, a ironisé hier matin Jimmy Jean, stratège économique chez Desjardins Marchés des capitaux, dans une note à la clientèle. Les entourloupettes politiques européennes ont de quoi rendre jaloux les auteurs de téléromans.»

Les coûts d'emprunt ont monté en chandelle, hier, après une annonce surprise de la Chambre de compensation européenne LCH Clearnet. Elle exige désormais un dépôt, non pas de 6,65%, mais de 11,65% de la valeur faciale de toute tranche d'obligations italiennes pour la faire changer de mains.

LCH Clearnet a justifié sa décision en alléguant qu'elle devait se protéger, compte tenu de ses risques de pertes en cas de défaut de paiement d'une des contreparties.

Cette mesure de prudence se défend. La firme a fraîchement en mémoire la faillite de MF Global qui s'est placée la semaine dernière sous le parapluie de la loi sur les faillites après une décote de son crédit justifiée par son portefeuille de 6,3 milliards d'obligations de pays européens fragilisés par leur lourde dette. Le portefeuille était financé à même ses fonds propres.

La dette des grandes banques américaines, elles-mêmes détentrices de plusieurs milliards de la dette publique de pays européens en difficulté, coûte de plus en plus cher à assurer.

Un swap de défaillance (CDS) sur la dette de Morgan Stanley coûtait hier 413,8 centièmes. Cela signifie que pour assurer dix millions de dollars d'obligations de cette banque d'investissement, l'assuré devait payer 413 800$ par année. En échange de cette somme, l'émetteur du CDS s'engage à rembourser à son détenteur la valeur faciale de l'obligation, en cas de défaut.

Plus un CDS coûte cher, plus il reflète le risque de solvabilité de l'émetteur d'obligations. Morgan Stanley a 2,2 milliards à risque sur la dette des pays européens en difficulté. C'est moins cependant que Goldman Sachs qui en a pour 4,16 milliards dont plus de la moitié est en titres italiens. Assurer 10 millions de la dette de cette banque d'affaires coûtait 330 600$, hier.

Si les CDS sur la dette des banques américaines coûtent de plus en plus, il en va de même pour la dette des banques et des pays européens, hormis celle de l'Allemagne qui n'a jamais bénéficié de conditions d'emprunt aussi avantageuses. Le marché des bunds (obligations du gouvernement allemand) sert de refuge dans la zone euro, un peu à la manière des Treasuries américains.

Si la panique ne s'estompe pas rapidement, on mesure facilement l'effet de contagion qui rendra tout emprunt hors de prix. Faute de se financer, les pays devront recourir à un plan de sauvetage qui exigera la participation des détenteurs de leurs dettes. Les institutions financières concernées ne pourront prêter, paralysant du coup l'activité économique.

C'est pour éviter un tel scénario que la classe politique européenne s'échine à concrétiser le renforcement de la puissance de feu du Fonds européen de stabilité financière annoncé la semaine dernière. Pour le faire passer d'une puissance de feu de 440 milliards d'euros à plus de 1000 milliards, les politiques veulent permettre au Fonds de garantir de 10% à 20% de la dette souveraine de pays en difficulté à ses détenteurs, dans l'espoir de faire diminuer leurs coûts d'emprunt.

C'est une tâche longue et ardue cependant dont le résultat paraît de moins en moins appétissant aux yeux des investisseurs, comme des spaghettis amidonnés.