La Grèce se dirigeait vendredi vers le tout premier défaut de paiement de l'histoire de l'Union monétaire, un pari risqué auquel l'Europe s'est résignée lors de son sommet dans l'espoir de faire rebondir le pays surendetté en lui évitant une faillite totale.

L'agence de notation Fitch, l'une des trois grandes à faire la pluie et le beau temps sur les marchés, a annoncé son intention de placer en défaut partiel la Grèce, au lendemain d'un nouveau plan d'aide européen de près de 160 milliards de dollars décidé par les dirigeants de la zone euro et les banques.

Cette sanction était attendue, compte tenu des modalités retenues dans le plan: sur l'insistance de l'Allemagne, il a été demandé aux créanciers privés d'Athènes de mettre la main au portefeuille en acceptant de facto de ne pas récupérer l'intégralité des prêts consentis au pays.

En moyenne, ils ont accepté une perte de 21% sur la valeur actuelle des prêts, qui prendra la forme de rachat d'obligations à des prix cassés ou d'échange de leurs titres pour des obligations à beaucoup plus long terme.

En conséquence, Fitch a estimé qu'Athènes fera défaut sur une partie de ses obligations.

Néanmoins, sur le fond, «les engagements pris par les leaders de la zone euro (...) représentent une avancée importante et positive vers la stabilité financière dans la zone euro», a-t-elle commenté.

Les dirigeants de la zone euro s'attendent à ce que les autres agences de notation parviennent au même verdict.

Ils espèrent toutefois que le défaut de paiement sera limité «à quelques jours» et donc maîtrisable, selon un diplomate européen.

Potentiellement, une telle situation pourrait provoquer un engrenage périlleux pour le secteur bancaire européen et grec en particulier, qui détient des quantités très importantes de dette publique d'Athènes, aujourd'hui dépréciée.

Toutefois, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a assuré dès jeudi soir que «tout a été mis en place pour faire face à toute éventualité».

Concrètement, la zone euro a prévu de soutenir financièrement la BCE pour que les banques grecques puissent continuer à s'y refinancer pendant la période de défaut. Elle a aussi la possibilité nouvelle, via son Fonds de secours financier, d'injecter des fonds dans le secteur bancaire grec si nécessaire.

Le risque est donc censé être calculé. Du reste, les marchés financiers ont salué vendredi le nouveau plan d'aide, estimant qu'il devrait permettre, au moins dans l'immédiat, d'enrayer la crise de la dette dans la zone euro.

Dans le sillage des Bourses asiatiques, les places financières européennes ont toutes ouvert vendredi sur une note positive.

Sur le marché des emprunts d'État européens, véritable thermomètre de la santé de la zone euro, les taux des obligations grecques sur dix ans ont reculé. Et l'euro restait bien orienté face au dollar.

«Je crois que le pays veut réussir et je vais consacrer toutes mes forces à le soutenir», a assuré à Berlin la chancelière allemande Angela Merkel à propos de la Grèce.

Elle a rappelé que les dirigeants de la zone euro s'étaient aussi engagés à relancer la croissance économique grecque et a promis d'inciter l'industrie de son pays à participer à l'effort.

Le deuxième plan de sauvetage en faveur d'Athènes - après un premier déjà insuffisant mis sur pied au printemps 2010 - s'élève à près de 160 milliards d'euros, dont 109 milliards d'euros de nouveaux prêts qui seront apportés par l'Europe et le Fonds monétaire international, le reste provenant des créanciers privés.

Le gouvernement grec a parlé de «grand soulagement», assurant que la dette publique du pays était désormais «sous contrôle».

L'effort, sous forme de prêts à des taux d'intérêt moins élevés que dans le passé, aura un coût certain pour les partenaires d'Athènes.

«Ceci aura donc une conséquence indirecte, c'est une augmentation d'ici 2014 de notre niveau d'endettement (...) à hauteur d'environ 15 milliards d'euros», a ainsi déclaré le premier ministre français François Fillon, en raison de l'intégration de garanties apportées par son pays pour débloquer les prêts en faveur de la Grèce.