La banque suisse UBS et certains fonds et personnalités associés se voient réclamer deux milliards de dollars aux États-Unis par le liquidateur judiciaire chargé de récupérer des fonds pour les victimes de l'affaire Madoff.

«Madoff n'a pas agi seul pour commettre la plus grande fraude financière de l'histoire», a fait valoir mercredi le liquidateur Irving Picard dans sa plainte, arguant qu'UBS et ses co-accusés ont «prêté leur nom prestigieux pour légitimer» l'escroc.

UBS s'est défendue contre ces accusations qu'elle a qualifiées de «fausses» et a estimé qu'elle n'était «pas responsable» de la ruine d'investisseurs qui avaient confié en toute connaissance de cause leurs biens à Bernard Madoff, condamné à la prison à vie aux États-Unis après une fraude évaluée à 50 milliards de dollars.

Le document de 107 pages du liquidateur aligne 23 accusations de fraudes, principalement contre UBS, des fonds associés, et certains responsables de la société AIA, fondée par les Français Patrick Littaye et Thierry de La Villehuchet.

«Les accusés UBS, fonds associés à UBS et fonds rabatteurs, doivent être condamnés à verser au moins 2 milliards de dollars pour le rôle qu'ils ont joué pour masquer et faire durer la fraude Ponzi, le montant exact devrant être déterminé lors d'un procès», estime M. Picard.

Les fonds rabatteurs sont des fonds qui recrutaient des investisseurs en leur recommandant de confier leur fortune aux produits financiers de Bernard Madoff.

Selon le liquidateur, «la machination de Madoff n'aurait pas pu être perpétrée si UBS et ses co-accusés n'avaient pas accepté de détourner les yeux et de prétendre qu'ils confirmaient véritablement l'existence d'actifs et de transactions, alors qu'ils ne l'avaient jamais fait».

La plupart des acteurs poursuivis dans cette plainte sont également en butte à des procédures en Europe.

À Paris, UBS a été assignée en justice au printemps pour tromperie par 80 investisseurs ayant perdu leur argent placé dans le fonds luxembourgeois LuxAlpha, dont la banque suisse était la banque dépositaire. Ces investisseurs réclament 100.000 euros chacun en réparation du préjudice moral et matériel.

Par ailleurs au Luxembourg, le Parquet a ouvert une enquête en juin pour faux et usage de faux contre UBS Luxembourg pour sa gestion du fonds LuxAlpha et d'un autre, LuxInvest, qui ont perdu environ 1,9 milliard de dollars investis auprès de Bernard Madoff.

En outre Patrick Littaye, visé par la plainte de M. Picard, avait été mis en examen en 2009 en France pour «complicité d'abus de confiance». Toutefois ce statut a été modifié en janvier: il n'est plus que «témoin assisté», ce qui le situe à mi-chemin entre le simple témoignage et la mise en examen.

AIA gérait environ 2 milliards d'euros d'actifs pour le compte de clients européens, dont 1,5 milliard était investi auprès de Bernard Madoff. La veuve de M. de La Villehuchet, Claudine, résidente de l'Etat de New York, est poursuivie par M. Picard en tant que seule héritière.

UBS, de son côté, a fait valoir mercredi que LuxAlpha avait été créé «à la demande explicite de clients fortunés qui voulaient un fonds sur-mesure leur permettant de continuer à investir avec Madoff». «Ces clients étaient représentés par des institutions financières pleinement au courant de la nature des investissements», a ajouté la banque suisse.

Reste que c'est un nouveau coup dur pour UBS, après avoir été au centre d'un long bras de fer entre les autorités américaines et suisses sur le secret bancaire qui lui a coûté 780 millions de dollars.

La semaine dernière, les autorités suisses avaient annoncé que les poursuites lancées au civil en 2009 par le fisc américain contre UBS en 2009 étaient finalement interrompues, après la transmission aux États-Unis d'environ 4.000 dossiers de fraudeurs présumés du fisc américain.