Les investisseurs floués de Norshield peuvent enfin espérer obtenir un dédommagement, cinq ans après l'éclatement du scandale. Mais qu'ils ne se réjouissent pas trop vite: les démarches pour récupérer les fonds restants ont été si ardues qu'elles grugeront la moitié du magot.

Selon le nouveau rapport du séquestre RSM Richter, les sommes destinées aux petits investisseurs correspondent à environ 13% de leurs placements. Les frais et honoraires viennent couper cette compensation en deux, ramenant le taux à guère plus de 5,5 à 7,5% de leurs réclamations.

Selon nos estimations, les honoraires des comptables et avocats, les frais d'enquête et les autres dépenses auront donc coûté plus de 10 millions de dollars depuis la mise sous séquestre de Norshield, en 2005. Et encore s'agit-il des honoraires liés aux 1900 petits investisseurs au Canada. En ajoutant les frais pour les investisseurs institutionnels et les tiers, la facture grimpe encore de quelques millions.

La semaine dernière, les 1900 investisseurs au détail (retail investors) ont été appelés à produire une preuve de réclamation. Ils ont jusqu'au 31 mars pour remettre leur formulaire. La procédure vise plus précisément les investisseurs d'Olympus United Funds Corporation, une des entités canadiennes de Norshield.

Ce groupe financier, rappelons-le, a été mis sous séquestre en juin 2005, après avoir été incapable de rembourser ses clients. Selon une poursuite de RSM Richter, les principaux dirigeants, dont John Xanthoudakis et Dale Smith, ont détourné les fonds. On évoque une fraude, mais aucune accusation criminelle n'a été déposée.

Globalement, le séquestre estime que les réclamations des 1900 investisseurs, principalement des Ontariens, s'élèveront à 159 millions de dollars. Quant aux investisseurs institutionnels, essentiellement québécois, leurs placements ont été évalués à 194 millions. Des tiers auraient également investi 130 millions.

Une montagne de procédures

«Le processus pour récupérer les fonds a été plus long que prévu. Tout est une bataille dans ce dossier, ce n'est pas facile», a expliqué Raymond Massi, séquestre de Richter responsable du dossier.

Ainsi, le séquestre a fait face à une montagne de procédures pour chaque somme à récupérer. Les fonds, faut-il dire, ont essentiellement été placés dans des entités des Bahamas, de la Barbade et des îles Caïmans, où les règles de confidentialité exigent des autorisations de chacune des cours locales.

En plus, les réclamations ont été contestées par des adversaires. Par exemple, les dirigeants de Norshield avaient investi 450 millions US avec levier dans un titre appelé SOHO Option, de la Banque Royale. Or, au moment de saisir, non seulement ne restait-il plus que quelques millions, en raison des retraits massifs qui ont précédé la mise sous séquestre, mais en plus, d'autres parties réclamaient des droits sur les restes. Le séquestre a fini par obtenir 7,3 millions US pour sa participation, après négociations.

Autre exemple: des fonds avaient été indirectement investis dans l'entreprise Oceanwide, de Montréal, qui offre des services internet de logistique maritime. Richter a vendu la participation des investisseurs pour 3,3 millions CAN en 2007.

Le problème, c'est que la somme est également réclamée par Cinar, producteur de Caillou, Globe-X, des Bahamas, et Mendota Capital. Selon Cinar, cette participation dans Oceanwide a été achetée avec son propre argent, transféré aux Bahamas par Norshield entre 1998 et 2002.

Quant à Mendota, il s'agit de cette firme qui était expressément utilisée par certains clients fortunés de Norshield pour cacher leur argent au fisc aux Bahamas. Dans son rapport, Richter mentionne que Mendota réclame également les fonds obtenus à la vente des actions de la minière Niocan (1,2 million), qui a un projet à Oka.

Pauvres institutionnels...

Malgré ces difficultés, les 1900 petits investisseurs peuvent presque se compter chanceux, en comparaison des investisseurs institutionnels. Les 21 millions que Richter a trouvés pour eux, avant les frais, équivalent à 13% de leurs placements.

De leur côté, les institutionnels n'auront droit à guère plus de 3,3% de leur investissement de 194 millions, avant les frais, indique Richter. Parmi les institutionnels, on retrouve la Fondation Chagnon et les caisses de retraite des villes de Sherbrooke, Laval et Jonquière. Leur taux de remboursement est moindre parce qu'ils ont investi directement aux Bahamas dans une société appelée Olympus Univest, où il y a moins d'argent disponible et plus de réclamations.

Fait à souligner, Richter ne précise pas quand l'argent sera versé aux investisseurs. De possibles procédures juridiques contre des tiers, demeurées confidentielles, et contre les dirigeants de Norshield, de même que des contestations de réclamations pourraient changer les sommes en jeu.

Le processus de preuves de réclamations annonce toutefois l'aboutissement des démarches. RSM Richter a d'ailleurs fait nommer par la Cour supérieure de l'Ontario l'avocat Jonathan Wigley pour passer en revue les frais et débours du séquestre et des professionnels dans cette affaire.