Pour prévenir l'effondrement du système financier, les banquiers centraux ont allongé les milliards.

Pour garantir l'accès au crédit aux entreprises et aux ménages, ils ont abaissé leurs taux directeurs à des planchers historiques tout en s'engageant à les garder inchangés sur un long horizon.

Ce faisant, ils sont parvenus à éviter une nouvelle Grande Dépression, mais ils auront fait une victime de taille si les élus ne viennent pas à sa rescousse rapidement.

 

Le régime de retraite à prestations déterminées (PD), qui garantit à ses participants une rente prévisible quelle que soit leur longévité, sort miné de la récession.

Grandes détentrices d'actions, les caisses de retraite ont subi de lourdes pertes provoquées par l'effondrement des cours boursiers l'an dernier. Cela a fait fondre la valeur de leur actif.

La faiblesse des taux d'intérêt induite par les autorités monétaires aura en revanche gonflé la valeur de leur passif, c'est-à-dire ce qui correspond à leurs engagements envers leurs participants actifs et retraités.

Ce mouvement contraire a entraîné une crise de solvabilité des régimes PD.

Les normes comptables mark-to-market ont été assouplies au printemps pour embellir la valeur des actifs toxiques détenus par les institutions financières. Elles restent inchangées pour évaluer la solvabilité des caisses de retraite, ce qui menace désormais la survie même des entreprises qui les parrainent.

Voilà pourquoi les entreprises cherchent de plus en plus à fermer les régimes PD. En 1991, plus du quart des travailleurs du secteur privé participaient à un régime PD. Ils ne sont plus que 17% maintenant, selon une étude de l'Institut canadien des actuaires.

Les entreprises veulent les remplacer par des régimes à cotisations déterminées (CD), qui reportent les aléas des rendements des marchés sur les épaules des participants.

Par ce geste, les entreprises se donnent de l'oxygène à court terme en éliminant le problème de solvabilité qui entache leur bilan. Elles s'en créent d'autres, toutefois, peut-être plus graves encore, à moyen terme.

Les régimes PD restent un des meilleurs moyens de fidéliser la main-d'oeuvre qualifiée au moment où le choc démographique la raréfiera.

Ils forment surtout le plus grand réservoir de capitaux patients au Canada. Ils constituent un outil essentiel pour financer des investissements majeurs.

«Les régimes de retraite contribuent à une affectation plus efficiente de l'épargne. Ceux-ci, en particulier les très gros fonds, sont gérés habituellement par des gestionnaires aguerris», a rappelé l'ancien gouverneur de la Banque du Canada David Dodge dans un discours prononcé à Montréal en 2005, dans la foulée de la première crise de solvabilité provoquée par le techno-krach de 2001-2002.

Dans un régime CD, le participant fait généralement preuve d'une prudence excessive dans la gestion de son capital. Il l'investit pour la plus grande part dans les marchés monétaires et obligataires. La généralisation de ce comportement assécherait le bassin de capitaux disponibles pour l'investissement des entreprises dans leur croissance, voire des États dans leurs infrastructures.

Voilà pourquoi certains intervenants préconisent plutôt le maintien des régimes PD, mais à condition que le risque d'insolvabilité soit partagé par le promoteur et les participants actifs, un peu comme c'est le cas avec le Régime des rentes du Québec.

Cette suggestion ne serait équitable toutefois que si les régimes CD adhéraient aussi à une formule de partage du risque. On imagine que leurs promoteurs y opposeront une résistance tenace.

Toute réforme porteuse exigera surtout une volonté politique concertée.

La surveillance et l'encadrement des régimes de retraite incombent aux provinces, aux territoires et à Ottawa. Leur harmonisation d'un océan à l'autre demeure le préalable à toute réforme viable. Celle du commerce des valeurs mobilières, toujours bloquée, donne une idée de l'ampleur de la tâche.

Sans harmonisation, on pourra au mieux convenir d'accommodements utiles qui parent au plus urgent. Ils ne pourront cependant en aucune façon assurer une rente prévisible aux futurs retraités ni l'accès à du capital bon marché aux entreprises.

Les élus ont beaucoup de pain sur la planche.

Pour joindre notre journaliste rlecours@lapresse.ca