Historiquement, Saskatchewan et confiance étaient deux mots qu'on plaçait rarement côte à côte. Les jeunes qui ne trouvaient pas d'emploi partaient rapidement pour l'Alberta voisine ou la Colombie-Britannique. Mais le vent a changé, a constaté Stéphane Paquet, qui poursuit ainsi sa série de portraits provinciaux. Intitulée Comment ça va?, cette série prend le pouls de l'économie canadienne alors que se profile une reprise.

Dimanche après-midi, à Biggar, Saskatchewan. Population: 2351 habitants, en majorité des agriculteurs.Nazi Achkar, un immigrant libanais qui a quitté Montréal en 1976, y vit depuis 19 ans. Il possède trois commerces dans ce village situé à une centaine de kilomètres de Saskatoon: un resto, un lave-auto et la manufacture d'arcs APA, où bosse son fils.

Qu'est-ce qui a changé à Biggar depuis que vous y êtes installé, M. Achkar? «Pas grand-chose si on parle de la taille de la population», dit-il. «Mais l'an passé, des gens ont vendu leur maison très cher en Alberta et en Colombie-Britannique et sont revenus.»

Le choc. La population de la Saskatchewan, qui stagnait sous le million d'âmes, a franchi la barre symbolique en 2008 et compte maintenant 1,03 million d'habitants. La province, fuie par sa jeunesse à la recherche d'un emploi et d'une vie plus trépidante ailleurs, est redevenue attrayante.

Derrière son comptoir au Bargain Shop de Biggar, Joyce Whitford y va de son explication: «Je pense que nos gouvernements ont été lents à laisser venir les investisseurs développer nos ressources, le pétrole spécialement... Je pense que c'était le temps.»

Ce discours, on l'entend partout ici, comme si, après l'Alberta, l'heure de la Saskatchewan avait sonné.

Si vous n'êtes pas encore convaincu, arrêtez-vous au terrain de golf de Perdue (prononcé Per-diou), là où on vous donne un steak si votre départ a lieu les mercredis et jeudis. Neillie Buekert vous dira ce qu'elle en pense: «Avec le Nouveau Parti démocratique, c'était très stagnant, il n'y avait pas grand-chose qui se passait», dit-elle de ceux qui ont quitté le pouvoir en 2007. Elle préfère l'approche du Saskatchewan Party actuellement au pouvoir, une coalition de centre-droite formée d'anciens conservateurs et libéraux. «Le Saskatchewan Party, il trouve des moyens de garder nos jeunes.»

Concrètement, le gouvernement du premier ministre Brad Wall se targue d'avoir réduit les impôts et la dette tout en investissant dans les infrastructures.

Dépasser la crise de 1929

Pour Sylvain Charlebois, vice-doyen et directeur adjoint de l'École d'études supérieures de politiques publiques Johnson-Shoyama à l'Université de Regina, «c'est la première fois dans l'histoire de la province que les gens essaient de dépasser la Dépression de 1929». Autrement dit, même s'ils restent prudents de nature, les Saskatchewannais retrouvent un certain goût du risque.

Cette confiance se reflète chez les dirigeants de petites entreprises, qui, encore en août, étaient les plus confiants du pays, selon un sondage de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

En fait, quand on parle de récession avec les gens ici, on a l'impression de parler de quelque chose qui se passe ailleurs, loin, dans les grands centres que ne sont pas Saskatoon et Regina. Et encore moins Biggar ou Perdue.

Cet été, il faisait même bon d'être étudiant ici, alors que dans le reste du pays, les jeunes peinaient à trouver un emploi d'été. C'est ici que le taux de chômage pour cette catégorie était le plus bas de tout le pays, selon Statistique Canada.

«J'avais deux emplois cet été», raconte Alex Newman, rencontrée samedi midi sur le campus de l'Université de la Saskatchewan. Elle était serveuse, dans un resto et dans un bar. «Beaucoup d'amies ont postulé des emplois cet automne et trois d'entre elles en ont décroché un à leur première tentative.»

Oui, la récession semble loin d'ici.

La Saskatchewan en chiffres

TAUX D'EMPLOI

66,2%

C'est le taux d'emploi en Saskatchewan, qui est 6,8 points plus élevé qu'au Québec. Seule l'Alberta voisine fait mieux avec 68,8% en août.

TAUX DE CHÔMAGE

5%

PERTES D'EMPLOIS DEPUIS OCTOBRE 2008

-2800 (-0,5%)

IMMOBILIER

Baisse des prix entre le sommet et le creux qui a suivi

-9%

VENTES AU DÉTAIL

Juillet 2008 à juillet 2009

-3,5%

SURPLUS PROVINCIAL PRÉVU

425 millions

+0,7% du PIB

PRÉVISIONS DE CROISSANCE

PIB réel*

*Les prévisions de croissance varient d'une institution à l'autre et selon le moment de leur publication. Nous avons opté pour celles de la Banque Laurentienne, plus récentes, publiées au début du mois.

Sources: Statistique Canada, Banque Laurentienne, Association canadienne de l'immeuble.