Preuves accablantes détruites, sommes dilapidées: les victimes de fraudes ont souvent de la difficulté à retrouver leur dû. Or, trois outils fort puissants issus de la Common Law, encore peu utilisés au Québec, pourraient changer la donne. C'est ce que souhaite Me Danielle Ferron, associée de Borden Ladner Gervais.

Pour faire avancer les choses, l'avocate spécialisée en droit du litige commercial vient d'écrire un livre avec ses collègues Mes Mathieu Piché-Messier et Lawrence Poitras, ancien juge en chef de la Cour supérieure. L'ouvrage s'intitule L'injonction et les ordonnances Anton Piller, Mareva et Norwich.

Quel est l'intérêt de ces ordonnances? Reconnue depuis 2002 par la Cour d'appel, Anton Piller est une ordonnance que les avocats d'une victime de fraude peuvent demander à la cour pour aller faire une fouille et une saisie chez la personne qui sera accusée, et ce, avant le début des procédures pour créer un effet de surprise. «Si la personne refuse de coopérer, c'est un outrage au tribunal», précise Me Ferron.

Pour sa part, l'injonction Mareva, utilisée dans l'affaire Cinar, ordonne à l'accusé de se départir d'aucun actif, faute de quoi il sera accusé d'outrage au tribunal. «Au Québec, avec le Code des procédures civiles, on peut saisir des biens avant le jugement, mais à condition de les identifier. Mareva vient donc étendre la saisie à tous les actifs de la personne», souligne Me Ferron, qui est aussi vice-présidente de l'Association des femmes en finance du Québec.

Par ailleurs, Norwich sert à obtenir de l'information d'un tiers indirectement lié à un litige. «Prenons l'exemple d'un compte à recevoir signé par un fraudeur et déposé dans une banque. La banque ne peut pas, en temps normal, dire à qui appartient le compte, mais avec Norwich, elle doit le faire», explique l'avocate qui, encore aujourd'hui, n'a jamais vu un cas où cette ordonnance a été utilisée au Québec.

Anton Pillar, Mareva et Norwich sont des outils très puissants et c'est pourquoi leur utilisation doit être solidement encadrée, précise toutefois Danielle Ferron.

L'avocate est devenue une véritable experte d'Anton Pillar au Québec. À l'automne 2002, elle a été l'une des premières avocates à utiliser l'ordonnance dans la province en bénéficiant de l'expertise de collègues torontois.

«Par la suite, dit-elle, j'ai utilisé Anton Pillar dans d'autres dossiers et en 2005, on m'a demandé de donner une conférence aux 144 juges de la Cour supérieure du Québec pour mieux faire connaître l'ordonnance qui, lorsqu'elle est bien utilisée, peut vraiment changer la donne pour les victimes de fraudes.»