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Des éoliennes ont été installées en mer, en Norvège, afin de produire de l’hydrogène vert. Pourquoi ne pas faire la même chose dans la baie d’Hudson ?

Benoît Le Nabec

Il y a justement un projet de ce genre au Canada, auquel participent des chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

« Je viens juste de commencer un projet sur le sujet avec l’Université de Victoria », explique Bruno Pollet, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la production d’hydrogène vert de l’UQTR.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UQTR

Bruno Pollet, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la production d’hydrogène vert de l’UQTR

L’objectif est de desservir en eau potable les communautés autochtones isolées en même temps que de produire de l’hydrogène vert.

Bruno Pollet, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la production d’hydrogène vert de l’UQTR

Pour produire de l’hydrogène avec de l’eau de mer, il faut d’abord la purifier, la dessaler et en retirer toutes les impuretés pour éviter d’abîmer les machines permettant la production d’hydrogène. Cela explique que les sites à faible salinité sont préférables. M. Pollet travaille en outre sur une technologie permettant de produire directement de l’hydrogène avec de l’eau salée.

Dans la baie d’Hudson, la salinité peut descendre sous les 30 g/L. Dans l’Atlantique Nord, elle peut dépasser 35 g/L.

L’avantage d’utiliser l’eau de mer est d’éviter de perturber les cours d’eau. La production en mer tire aussi profit du vent plus fort au large, qui facilite la production d’électricité renouvelable, essentielle pour que l’hydrogène soit vert.

Il y a des projets similaires aux quatre coins du monde. En France, deux firmes, Elogen et Lhyfe, ont investi cette filière. Lhyfe a testé l’été dernier une unité pilote de production d’hydrogène à partir d’énergie éolienne en mer, près de la Bretagne. Elogen a annoncé l’été dernier un partenariat avec un producteur néerlandais d’éoliennes en mer, pour un projet pilote prévu pour 2025. Un projet germano-norvégien prévoit la construction de gazoducs du pays scandinave vers le pays de Goethe, pour y faire transiter au départ du gaz naturel normal, puis de l’hydrogène « bleu » produit à partir de gaz naturel et d’éoliennes en mer, et enfin de l’hydrogène vert produit à partir d’eau de mer.

L’Union européenne a aussi un projet appelé « Production d’hydrogène offshore en Europe », ou HOPE, auquel participe entre autres une firme américaine, Plug Power.

« L’Arabie saoudite a des projets en ce sens, mais avec l’énergie solaire et l’eau de mer », dit M. Pollet.

Le Canada est toutefois bien placé, notamment en raison d’une firme ontarienne, Hydrogen Optimized, fondée par une famille active dans le domaine de la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau depuis plus d’un siècle, la famille Stuart, estime M. Pollet.

Quels sont les défis à prévoir à plus long terme ? « Éventuellement, on pourrait trouver un débouché pour les éléments qui devront être enlevés de l’eau de mer pour produire de l’hydrogène, par exemple le chlore », dit M. Pollet.

Comme l’un des objectifs du Canada est d’approvisionner en eau potable les communautés autochtones isolées, pourquoi ne pas commencer dès maintenant avec les technologies de dessalement de l’eau utilisées au Moyen-Orient, notamment en Arabie saoudite et en Israël ? « Ce serait certainement possible, d’autant plus qu’il y a eu beaucoup d’avancées pour réduire la consommation énergétique, par exemple les membranes polymériques », dit M. Pollet.

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Une version précédente de ce texte utilisait erronément l’unité mg/L plutôt que g/L pour la salinité de l’eau de mer.

En savoir plus
  • 95 millions de tonnes
    Consommation mondiale d’hydrogène en 2023
    SOURCE : Agence internationale de l’énergie
    21 millions de tonnes
    Production mondiale d’hydrogène bleu prévue en 2030
    SOURCE : Agence internationale de l’énergie