Le réchauffement de la planète a commencé plus tôt que prévu, affirment des biologistes américains et australiens. À partir d’éponges recueillies près de Porto Rico, ils affirment lundi dans Nature Climate Change que le seuil de 1,5 °C de réchauffement est déjà franchi et que la frontière de 2 °C le sera d’ici la fin de la décennie.

« La température de la planète a commencé à augmenter peu après le milieu du XIXsiècle », a expliqué en téléconférence de presse jeudi dernier Malcolm McCulloch, de l’Université d’Australie-Occidentale, l’un des auteurs de l’étude publiée lundi. « Donc, on a quelques décennies supplémentaires d’augmentation par rapport aux évaluations actuelles. »

L’augmentation de température est de 1,7 °C par rapport à la moyenne préindustrielle. « Nous pensons que le seuil de 2 °C [d’augmentation de température par rapport à l’ère préindustrielle] sera franchi à la fin des années 2020, à moins d’une réduction importante des émissions. »

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ D’AUSTRALIE-OCCIDENTALE

Le profresseur de l’Université d’Australie-Occidentale Malcolm McCulloch

La nouvelle étude est basée sur un type d’éponges des Caraïbes, Ceratoporella nicholsoni, qui croît très lentement et vit à près de 100 mètres de profondeur. Depuis une trentaine d’années, ces éponges pouvant vivre plusieurs siècles sont de plus en plus proposées comme des organismes idéaux pour évaluer la température de la planète dans le passé.

La nouvelle étude montre que l’urgence climatique est bien réelle, estime Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada. « Mais c’est une étude sur un organisme à un endroit précis de la planète », tempère M. Bonin.

Les auteurs de l’étude dans Nature Climate Change pensent que l’éponge qu’ils ont étudiée représente très bien l’évolution de la température moyenne de la planète parce qu’à cette profondeur, les variations annuelles du climat ont moins d’impact. Aussi, les Caraïbes sont moins affectées que le Pacifique par El Niño, un phénomène météorologique qui réchauffe l’atmosphère et l’océan.

Tambora

L’étude de ces éponges permet d’évaluer la température passée avec une précision d’un dixième de degré, a dit M. McCulloch en conférence de presse. On voit dans les données un bref refroidissement lié à certaines grosses éruptions volcaniques, notamment celui du Tambora en 1815, parfois surnommée « l’année sans été » parce que la suie de ce volcan indonésien a refroidi l’atmosphère partout sur la planète pendant plusieurs mois.

En partie à cause de la distorsion induite par le Tambora, les auteurs de l’étude pensent que la température actuelle devrait être comparée à la moyenne du XVIIIsiècle plutôt qu’à la moyenne de 1850-1900, comme le fait le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le GIEC utilise la moyenne de 1850-1900 parce qu’avant le XXsiècle, les mesures par thermomètre de la température étaient difficiles à comparer d’une année à l’autre.

Durant la conférence de presse, des journalistes ont remis en question la pertinence d’évoquer le seuil de 1,5 °C tout en changeant la période de référence « préindustrielle ». Actuellement, le GIEC annonce des effets négatifs liés au dépassement du seuil de 1,5 °C, mais avec une période de référence allant de 1850 à 1900. Les mêmes effets négatifs d’un dépassement du seuil de 1,5 °C se concrétiseront-ils si on compare la température actuelle à celle du XVIIIsiècle ?

« Je dirais que les impacts sérieux du réchauffement de la planète surviendront plus tôt que prévu, a dit M. McCulloch en conférence de presse. Je pense qu’on a devancé les choses [les effets négatifs liés au seuil de 1,5 °C] d’une décennie. »