Ce sont des aires circulaires sans végétation, dans des régions généralement arides. Ces « cercles de fées » intriguent les biologistes depuis une vingtaine d’années.

Les cercles de fées ont été d’abord identifiés dans le désert du Namib, en Namibie. Ils ont été comparés à des aires circulaires similaires – sans végétation – en Australie. Dans la revue PNAS, en septembre, des biologistes espagnols ont utilisé des images satellites pour montrer que ce phénomène est répandu, allant du Maghreb à Madagascar en passant par le Caucase.

D’un diamètre variant entre deux et dix mètres, les cercles de fées sont entourés d’une lisière de végétation, mais sont dénués de vie végétale.

Il y en a généralement plusieurs dans un même secteur. « Leur lisière de végétation disparaît durant les sécheresses », dit Stephan Getzin, spécialiste de la question à l’Université Georg-August à Göttingen, en Allemagne. « Mais il en reste des traces. Du haut des airs, on voit très bien une multitude de cercles » dans les zones où se trouvent les cercles de fées.

L’apparition de ces cercles de fées pourrait être un moyen de défense des écosystèmes face à une nouvelle aridité. Fait étonnant : « les écosystèmes où il y a des cercles de fées sont beaucoup plus stables et moins sensibles aux changements climatiques », dit Emilio Guirado de l’Université d’Alicante, qui est l’auteur principal de l’étude publiée dans PNAS. « Nous pensons que les recherches sur les cercles de fées pourraient nous informer sur les signes de dégradation d’écosystèmes liés aux changements climatiques », ajoute-t-il.

« On pensait que le paysage était surtout modifié par le vent »

Selon James King, géographe à l’Université de Montréal, l’étude des cercles de fées s’inscrit dans le nouvel accent mis sur la « géomorphologie ». « Dans les régions arides, on pensait que le paysage était surtout modifié par le vent, souligne-t-il. On se rend compte qu’il y a d’autres processus biologiques [en jeu]. »

Les cercles de fées de Namibie et d’Australie
  • Cercles de fées dans le désert du Namib

    PHOTO FOURNIE PAR NORBERT JÜRGENS

    Cercles de fées dans le désert du Namib

  • Cercles de fées dans le désert du Namib, du haut des airs

    PHOTO FOURNIE PAR NORBERT JÜRGENS

    Cercles de fées dans le désert du Namib, du haut des airs

  • Cercles de fées dans le désert de Pilbara, en Australie, du haut des airs

    PHOTO KATRIN DOEDERER FOURNIE PAR FIONA WALSH

    Cercles de fées dans le désert de Pilbara, en Australie, du haut des airs

  • Cercles de fées dans le désert de Pilbara, en Australie, du haut des airs

    PHOTO DAVE WELLS FOURNIE PAR FIONA WALSH

    Cercles de fées dans le désert de Pilbara, en Australie, du haut des airs

  • Cercles de fées dans le désert de Pilbara, en Australie, du haut des airs

    PHOTO MIKE GILLAM FOURNIE PAR FIONA WALSH

    Cercles de fées dans le désert de Pilbara, en Australie, du haut des airs

  • Cercles de fées dans le désert de Pilbara, en Australie, du haut des airs

    PHOTO MIKE GILLAM FOURNIE PAR FIONA WALSH

    Cercles de fées dans le désert de Pilbara, en Australie, du haut des airs

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À peine quelques dizaines de chercheurs consacrent leur carrière aux cercles de fées, mais ce domaine d’étude pointu fait l’objet d’âpres débats scientifiques. Les spécialistes les plus connus sont allemands, en raison de l’histoire de la Namibie, qui a été une colonie allemande.

Termites ou gros grains de sable ?

Deux camps s’affrontent : ceux qui pensent que les cercles de fées sont causés par des termites qui mangent les racines des plantes, et ceux comme M. Getzin qui pensent que des processus hydrogéologiques complexes sont en cause.

Le porte-étendard de la première grande théorie est Norbert Jürgens, de l’Université de Hambourg. Il a commencé à travailler sur les cercles de fées de Namibie dans les années 1990, une décennie avant M. Getzin. Selon lui, les cercles de fées sont causés par les termites.

Il s’agit d’une espèce de termites qui ne crée pas de monticules au-dessus de leurs termitières. Leurs tunnels sont très fins, difficiles à observer. Elles éliminent les plantes au centre du cercle, pour préserver des réservoirs d’eau.

Norbert Jürgens, Université de Hambourg

La deuxième théorie est que le sol des régions propices aux cercles de fées a une granulométrie et une aridité particulières. Cette hypothèse a été testée sur le terrain, puis décrite dans des revues avec comité de révision (peer-reviewed). « L’eau des rares pluies voyage rapidement dans le sol sec, dit M. Getzin. Les plantes en dormance attirent rapidement l’eau vers elles. Ça crée autour d’elles des cercles sans eau [et donc sans végétation], à des intervalles réguliers. »

Cercles de fées dans l’art aborigène australien

La thèse de M. Jürgens est critiquée par un entomologiste américain célèbre pour ses études des nids de fourmis et de termites, Walter Tschinkel, de l’Université d’État de Floride. « Je suis arrivé aux cercles de fées tard dans ma carrière, dit M. Tschinkel. J’ai trouvé le sujet passionnant, particulièrement à cause de l’implication potentielle de termites. Malheureusement, j’ai dû conclure que ce ne sont pas les termites qui en sont responsables. »

La théorie des termites a toutefois l’appui de Fiona Walsh, une biologiste indépendante australienne. « Les cercles de fées sont situés dans la région aride de Pilbara et les déserts adjacents, dans le nord-ouest du pays, observe Mme Walsh. Les déserts australiens sont peu étudiés. Les peuples aborigènes disent et montrent dans leur art que les cercles de fées sont occupés par des termites. Mes études sur le terrain confirment qu’on trouve toujours des termites et des structures de termites dans les cercles de fées. »

En Namibie, les peuples locaux, particulièrement les Himbas, pensent que les cercles de fées sont des traces de pas de chèvres géantes, selon M. Getzin. « Il y a aussi des légendes selon lesquelles ce sont des traces de pas de leur dieu Mukuru. Mais en général, mes discussions avec les peuples locaux ne m’ont pas permis de constater beaucoup d’attention portée à ce phénomène. » En Australie, rapporte Mme Walsh, les cercles de fées sont représentés sur des tapisseries traditionnelles et associés à des cérémonies rituelles.

En savoir plus
  • De 6 % à 8 %
    Taux d’humidité dans le sol dans le désert de Namibie
    source : Université Georg-August
    De 20 % à 40 %
    Taux d’humidité dans le sol au Québec
    source : Commission géologique canadienne