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Étant donnée l’augmentation des précipitations avec les changements climatiques, est-ce qu’un barrage québécois important pourrait céder ?

Serge Loiselle

« C’est hautement improbable », estime Jean-Luc Martel, un professeur de l’École de technologie supérieure qui faisait partie du comité consultatif d’un rapport sur le sujet publié par Ouranos à l’été 2022. « La Loi sur la sécurité des barrages a été resserrée après le déluge du Saguenay en 1996. Ces nouvelles normes touchent la conception des barrages et les barrages existants. »

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’ETS

Jean-Luc Martel

Grosso modo, les barrages doivent pouvoir résister sans grands dommages à des crues des eaux survenant une fois en 10 000 ans. Une catastrophe ne doit pouvoir être évoquée qu’avec une crue survenant « tous les 100 000 ans ou 1 million d’années », dit M. Martel. Au besoin, les capacités d’évacuation du trop-plein d’eau d’un barrage pourraient être augmentées afin de respecter des normes plus sévères.

Les crues qui ont récemment frappé l’imagination, comme celles de 2017 et de 2019, représentaient en théorie des évènements qui surviennent une fois en 100 ans, selon M. Martel.

En 2022, le resserrement de la Loi sur la sécurité des barrages a motivé des demandes de la part de la Fédération des municipalités du Québec, pour un financement public de la réfection des milliers de barrages municipaux de la province. Le Programme d’aide financière à la mise aux normes de barrages municipaux du gouvernement du Québec a soutenu la mise aux normes de 55 barrages dans 43 municipalités, pour un total de 6,7 millions.

Les changements climatiques ne vont-ils pas augmenter les précipitations de manière importante ? « Au Québec, les crues sont surtout liées à la fonte des neiges au printemps, fait valoir M. Martel. Avec les changements climatiques, on devrait avoir des hivers plus doux et moins longs, donc moins de neige. S’il pleut beaucoup, l’été ou l’hiver, ça ne change pas grand-chose. »

Et s’il neige davantage dans les régions nordiques ? « Ça pourrait augmenter les crues, dit M. Martel. Peut-être que la crue qui ne survient actuellement que tous les 10 000 ans va se produire tous les 9000 ans. Ça demeure très improbable et très exceptionnel. »

Les inondations de juillet 1996 au Saguenay ont été d’un niveau ne survenant, en théorie, qu’une fois en 10 000 ans. Mais il y a beaucoup d’incertitude sur ce chiffre. « Tenter d’estimer un évènement qui se produit en moyenne tous les 10 000 ans, à partir d’environ une cinquantaine d’années d’observation, ce n’est pas une tâche facile. Il est improbable que nous ayons observé un évènement d’une telle rareté sur une période aussi courte. Par conséquent, une telle estimation devrait normalement être accompagnée d’un intervalle de confiance. »

PHOTO RICARDO GARCIA VILANOVA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Les inondations ont semé mort et désolation à Derna, en Libye.

Les barrages de Derna en Libye, qui ont cédé en septembre après le passage d’un medicane, soit un ouragan méditerranéen, étaient pour leur part mal entretenus, a rapporté en octobre un rapport du Crisis Group. Cette tragédie a fait 20 000 morts.

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  • 275 mm
    Quantité de pluie tombée au Saguenay du 19 au 21 juillet 1996
    Source : BAPE