L’Inde est devenue mercredi la première nation à poser une sonde près du pôle Sud lunaire. Cette région pourrait abriter de l’eau sous forme de glace, source potentielle de carburant et d’oxygène pour des missions humaines. C’est d’ailleurs la cible de la mission habitée Artemis 3.

Ce qu’il faut savoir

  • L’Inde est la quatrième nation à alunir et la première à le faire près du pôle Sud lunaire.
  • La mission Chandrayaan-3 comprend une astromobile (rover) qui pourrait détecter la présence d’eau glacée.
  • Les prochaines missions habitées lunaires viseront le pôle Sud pour tirer profit de l’eau glacée qui devrait s’y trouver.

La descente

Tout d’abord, un freinage pour passer de 30 km d’altitude à 800 m au-dessus de la surface lunaire. Puis une lente descente pour finalement alunir à 8 h 33, heure de Montréal, à un peu plus de 600 km du pôle Sud lunaire. L’alunisseur Vikram (valeureux) de la mission Chandrayaan-3 a réussi un exploit unique dans l’histoire de l’humanité. Et a placé l’Inde dans le club sélect des (maintenant quatre) pays ayant réussi un alunissage. « Le site est à 40 km au sud du cratère Manzinus et à 35 km au nord du cratère Bogulawsky », a commenté William Reach, astrophysicien de l’Association universitaire pour la recherche spatiale (USRA) à Washington, qui a publié en mars dans le Planetary Science Journal une étude sur la présence d’eau près des sites d’alunissage de Vikram. « Leurs bords s’élèvent à 1500 m et seront visibles de l’alunisseur. Le site est assez plat et devrait être sécuritaire pour le rover. » L’astromobile Pragyan (sagesse) devait être déployée mercredi ou ce jeudi, pour une mission de 14 jours terrestres.

  • Des écolières se rendent à l’amphithéâtre de Gujarat Science City, à Ahmedabad, pour assister à l’alunissage.

    PHOTO AMIT DAVE, REUTERS

    Des écolières se rendent à l’amphithéâtre de Gujarat Science City, à Ahmedabad, pour assister à l’alunissage.

  • Des élèves posent avec des modèles réduits du Chandrayaan-3 dans une école de Bombay.

    PHOTO RAJANISH KAKADE, ASSOCIATED PRESS

    Des élèves posent avec des modèles réduits du Chandrayaan-3 dans une école de Bombay.

  • Un garçon assiste à une retransmission des données de vol de l’alunissage, à Bombay.

    PHOTO RAJANISH KAKADE, ASSOCIATED PRESS

    Un garçon assiste à une retransmission des données de vol de l’alunissage, à Bombay.

  • Célébration à New Delhi après l’alunissage réussi de Vikram

    PHOTO ARUN SANKAR, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Célébration à New Delhi après l’alunissage réussi de Vikram

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L’ombre permanente

La sonde Vikram se trouve juste au nord de la localisation potentielle de glace du pôle Sud, selon Myriam Lemelin, spécialiste de l’exploration géomatique lunaire à l’Université de Sherbrooke, qui a notamment étudié la glace du pôle Sud. « Ce sont d’ailleurs les données acquises par la mission Chandrayaan-1 mise en orbite autour de la Lune en 2009 qui ont permis cette découverte », dit Mme Lemelin. La Lune est de plus en plus accidentée à mesure qu’on s’approche du pôle Sud, ce qui permet à de l’eau de demeurer sous forme glacée dans les zones des cratères qui ne voient jamais la lumière du Soleil, indique M. Reach.

Pour l’humanité

La premier ministre indien, Narendra Modi, a salué sur le réseau social X (anciennement Twitter) « un jour historique pour le secteur spatial indien ». Dans une déclaration vidéo sur X, il s’est ensuite adressé au « monde entier ».

« Cette mission couronnée de succès n’appartient pas seulement à l’Inde. Notre approche ‟une Terre, une famille, un avenir” résonne partout sur la planète. Ce succès appartient à toute l’humanité. » L’alunissage a été suivi par des millions d’Indiens. Sur la chaîne YouTube où l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO) faisait le compte à rebours du contact avec la surface lunaire, les commentaires sur le clavardage défilaient à la vitesse d’une autoroute.

Le fantôme de Chandrayaan-2

Chandrayaan-3 est identique – à quelques améliorations près – à Chandrayaan-2, qui a connu un échec en 2019 quand son alunisseur s’est écrasé. « L’Inde a enterré le fantôme de Chandrayaan-2 », dit Gurbir Singh, un informaticien britannique qui a publié en 2017 un livre sur le programme spatial indien. « Je m’attends à ce que l’Inde annonce sous peu un atterrisseur vers Mars. Et l’ISRO aura davantage confiance pour la prochaine étape, des missions habitées. »

Artemis 3

La NASA a ciblé 13 sites potentiels pour Artemis-3, prévue en 2026, la première mission lunaire habitée depuis Apollo 17 en 1972. « Ça devrait être entre 84 et 90 degrés de latitude, dit Mme Lemelin. Une détection de glace vers 69 degrés sud par Pragyan serait donc très encourageante pour la mission Artemis 3. »

Deux missions américaines – l’une privée, IM-1 par la société Intuitive Machines, et l’autre de la NASA, VIPER – poursuivront le travail d’Artemis 3 plus tard cette année. « Elles vont aller plus près du pôle Sud, sur des sites considérés pour Artemis 3 », dit M. Reach.

Pourquoi maintenant ?

L’engouement des dernières années pour des missions lunaires a deux explications, selon Mme Lemelin : le legs de la Station spatiale internationale et une nouvelle course à l’espace, cette fois entre les États-Unis et la Chine.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

Myriam Lemelin, spécialiste de l’exploration géomatique lunaire à l’Université de Sherbrooke

« La vision générale en exploration spatiale est d’étendre la présence humaine au-delà de la Terre. Cela commence avec la Station spatiale internationale, ensuite la Lune et finalement Mars. On pourrait aussi noter que la Chine et la Russie ont des efforts d’exploration lunaire en parallèle des efforts internationaux, ce qui a pour effet de rehausser les efforts de la conquête spatiale, un peu à l’image de la compétition USA/URSS durant la guerre froide avec les missions Apollo/Luna. »

L’échec russe

L’agence spatiale russe Roscosmos, dont la mission ratée Luna 25 visait un site non loin de celui de Chandrayaan-3, a félicité par communiqué « ses collègues indiens ». La sonde Luna 25, qui s’est écrasée sur la Lune samedi, a connu un problème à une phase encore plus précoce que Chandrayaan-2. Avant de relâcher l’alunisseur, ce type de sonde passe d’une orbite circulaire à une orbite elliptique permettant un passage rapproché.

PHOTO ROSCOSMOS, FOURNIE PAR REUTERS

La sonde russe Luna 25 s’est écrasée sur la Lune samedi.

Roscosmos a raté ce passage à une orbite elliptique, ce qui a fait que Luna 25 s’est retrouvée sur une trajectoire la menant à 11 km sous la surface lunaire, au lieu d’une altitude de 18 km. Les moteurs de Luna 25 avaient été allumés pendant 127 secondes plutôt que 84 secondes. Chandrayaan-2 avait connu un pépin informatique lors du freinage final par l’alunisseur Vikram, alors qu’il se trouvait déjà en orbite elliptique stable.

En savoir plus
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    Nombre de missions lunaires
    SOURCE : NASA
    73
    Nombre de missions lunaires réussies en tout ou en partie
    SOURCE : NASA