La mission
L’alunissage de l’atterrisseur Vikram (valeureux) de Chandrayaan-3 est prévu peu après 8 h 30, heure de Montréal. « Nous attendons tous avec impatience de voir où l’alunissage aura lieu », explique William Reach, un astrophysicien de l’Association universitaire pour la recherche spatiale (USRA) à Washington qui a publié en mars, dans le Planetary Science Journal, une étude sur la présence d’eau près des sites d’alunissage de Vikram. « La décision sera prise à la dernière minute à partir des images de l’orbiteur de Chandrayaan-3. » Après l’alunissage, Vikram commencera ses mesures scientifiques et libérera l’astromobile (rover) Pragyan. L’alunissage devrait survenir à une latitude de 70 degrés, à moins de 1000 km du pôle Sud.
L’objectif
Le simple alunissage de Vikram et son opération, ainsi que celle de Pragyan (sagesse), constitueront un succès, selon M. Reach. « C’est une preuve de concept technologique, à cause du terrain beaucoup plus accidenté qu’autour de l’équateur lunaire. Il y a en plus les difficultés de communication. Certaines des régions polaires ne sont carrément pas visibles de la Terre. Il y a moins de visibilité vers le soleil aussi, alors il y a moins d’énergie solaire. » Des succès scientifiques sont toutefois aussi possibles. « Les instruments à bord de cette mission devraient permettre de détecter la glace si elle est présente en surface », dit Myriam Lemelin, spécialiste de l’exploration géomatique lunaire à l’Université de Sherbrooke, qui a notamment étudié la glace du pôle Sud. « La présence ou l’absence de glace permettra d’informer d’autres missions telles que VIPER et LRM, qui se rendront près du pôle Sud à la recherche de glace. » VIPER est une mission américaine prévue pour fin 2023 et LRM, une mission canadienne prévue pour 2026.
L’échec
Vikram est une version améliorée de l’alunisseur de Chandrayaan-2, qui s’est écrasé en 2019 sur la Lune. Un bogue a mené à une vitesse trop élevée à l’alunissage. « L’Organisation indienne de recherche spatiale [ISRO] a tiré des leçons de l’échec de Chandrayaan-2 », explique Gurbir Singh, un informaticien britannique qui a publié en 2017 un livre sur le programme spatial indien. « Il y a plus de redondance, les pattes sont plus fortes, il y a plus de carburant, on prend plus de temps pour choisir le site d’alunissage et le site est beaucoup plus grand. »
Artemis-3
Prévue pour 2026 au plus tôt, la troisième mission du programme américain habité Artemis vise le pôle Sud. « Une mission habitée a besoin d’un site beaucoup plus grand qu’une mission robotique », note Indujaa Ganesh, une astronome de l’Université de l’Alaska qui a publié en septembre dernier, dans le Planetary Science Journal, une étude sur les sites potentiels d’alunissage d’Artemis-3. « Si l’alunissage de Vikram est un échec, ça va être un revers pour Artemis-3. » Le pôle Sud intéresse la NASA parce que l’eau glacée peut être transformée en carburant et en oxygène.
L’importance pour l’Inde…
« Un alunissage réussi de Vikram ferait en sorte que l’Inde serait le quatrième pays à réussir un tel exploit, après les États-Unis, l’URSS et la Chine plus récemment », dit Mme Lemelin. Ce prestige est au cœur du programme spatial indien, selon M. Singh. « Les missions indiennes sont souvent des réponses au programme spatial chinois, dit-il. Le programme Chandrayaan a été développé après le programme lunaire chinois Chang’e. Et en réponse aux plans chinois de base lunaire, l’Inde a récemment rejoint le programme Artemis. » Le programme spatial indien a néanmoins permis de développer l’économie du pays, grâce à des satellites de télécommunications et de navigation qui ont augmenté la résolution du système GPS pour l’Inde, selon M. Singh.
… et pour la science indienne
Quand elle a quitté l’Inde pour les États-Unis, Mme Ganesh avait très peu d’espoir d’y revenir pour faire de la science planétaire. « Quand j’étais petite, le programme spatial indien était entièrement centré sur le génie, sur l’aérospatiale. Avec le programme lunaire, il y a de la place pour la science. C’est très encourageant pour les jeunes chercheurs. »
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- 600 millions de tonnes
- Quantité d’eau sous forme de glace aux pôles lunaires
Source : Planetary Society- 75 millions US
- Coût de la mission Chandrayaan-3
Source : ISRO -
- 130 millions US
- Coût de la mission russe Luna-25
Source : Popular Mechanics- 430 millions US
- Coût de la mission américaine Viper
Source : NASA