Une sommité de l’Institut de recherche clinique de Montréal (IRCM), Michel Chrétien, reçoit mercredi le prix Armand-Frappier, le prix du Québec dans le domaine scientifique.

« Monsieur Frappier a été mon professeur et un de mes héros de jeunesse », dit le DChrétien en entrevue. « C’est un bonheur pour moi d’être associé à son nom. M. Frappier a été la bougie d’allumage de ce que j’appelle la révolution tranquille de la recherche biomédicale au Québec, précédant l’autre d’une décade. Comme quoi, la science influence toute la société. »

Le DChrétien, qui a 86 ans, a grandi dans une famille de 19 enfants de Shawinigan et est le frère de l’ancien premier ministre Jean Chrétien. Après un doctorat en Belgique, il a ouvert en 1967 à l’IRCM un laboratoire de chimie des protéines.

L’une des découvertes du DChrétien a permis la mise au point de médicaments visant des problèmes d’hypercholestérolémie familiale grave, les inhibiteurs d’une enzyme appelée PCSK9 dont le fonctionnement anormal nuit au travail des récepteurs qui enlèvent le cholestérol du sang. L’équipe du DChrétien et du DNabil Seidah a découvert plusieurs des enzymes de type PCSK.

Les inhibiteurs de PCSK9 sont des anticorps monoclonaux, comme certains médicaments pour la COVID-19. Le laboratoire du DChrétien a d’ailleurs utilisé la piste PCSK9 pour travailler sur des antiviraux contre l’Ebola et la COVID-19.

D’une manière plus générale, le DChrétien est l’un des deux inventeurs de la « théorie prohormonale », qui explique comment certaines hormones sont fabriquées.

Des liens planétaires

Comment juge-t-il l’évolution récente de la recherche médicale au Québec ? « Nous avons toujours tiré notre épingle du jeu depuis que dans les années 1960 on avait convaincu le gouvernement québécois de subventionner la recherche en complémentarité avec les programmes fédéraux. McGill avait déjà des liens avec les grandes universités de recherche américaines, mais on a mis sur pied la recherche québécoise francophone. »

Le DChrétien souligne que l’IRCM a tissé des liens planétaires grâce aux étudiants étrangers accueillis durant leurs études supérieures. « Par exemple en Allemagne Detlev Ganten est le grand gourou de la recherche médicale, en France Philippe Douste-Blazy a été ministre de la Santé, tout comme Chen Zhou en Chine. Ils ont tous travaillé à l’IRCM. »

Que faudrait-il améliorer ? « On fait plus avec moins, comparé aux États-Unis, mais évidemment on pourrait faire plus avec plus. »

Mutation protectrice

Il est encore actif en recherche. Plus spécifiquement, il s’intéresse tout particulièrement à une mutation génétique que son équipe a découverte il y a 20 ans, affectant l’enzyme PCSK9. « Elle protège quatre familles de maladies cardiaques liées au cholestérol. Cette mutation n’existe qu’au Québec. On commence à voir qu’elle protège peut-être contre le cancer et les maladies infectieuses. Je dis en blague que les gens de ces quatre familles, c’est pas chrétien comme ils sont protégés des dieux. On peut penser qu’on pourrait développer à partir des travaux sur ces mutations des médicaments qui n’auraient pas d’effets secondaires. »

Que pense-t-il des récentes controverses concernant les programmes de promotion de la diversité qui excluent les hommes blancs de certaines bourses de recherche ? « Comme directeur de l’IRCM j’ai insisté pour recruter plus de femmes, dit le DChrétien. Il faut être prudent, logique, mais il faut aussi être juste, miser avant tout sur la formation. Et au départ il faut admettre que la recherche est très élitiste. »

Hommage à sœur Allard

Le DChrétien a commencé sa carrière de chercheur au moment où l’État québécois laïcisait les hôpitaux, alors administrés par des communautés religieuses. Il a tenu en entrevue à rendre hommage une directrice générale de l’Hôtel-Dieu, sœur Marie-Louise Allard. « C’est elle qui a autorisé en 1953 Jacques Genest à fonder un institut de recherche à l’Hôtel-Dieu, contre l’opposition des médecins. Ensuite le DGenest a fondé l’IRCM. J’ai pu travailler avec le DGenest dès l’Hôtel-Dieu. Ça a été la même chose à l’hôpital Maisonneuve, c’est une religieuse qui a permis la création d’un institut de recherche qui allait devenir l’institut de cardiologie, dont les médecins ne voulaient pas. Ce sont des femmes qui ont joué un rôle important dans la recherche au Québec. »

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    Le nombre de publications scientifiques dont Michel Chrétien est coauteur
    Source: Michel Chrétien