Les premières images du trou noir au centre de la Voie lactée viennent d’être publiées. Elles confirment de nombreuses théories, mais soulèvent aussi leur lot de questions. Des chercheurs montréalais expliquent.

Plus long que prévu

Quand la première image d’un trou noir a été publiée, il y a trois ans, les chercheurs de l’Event Horizon Telescope (EHT) avaient prédit qu’ils feraient de même six mois plus tard avec Sagittarius A*, celui qui est situé au centre de notre galaxie, la Voie lactée. « Finalement, ç’a été beaucoup plus compliqué que prévu », explique Olivier Hernandez, directeur du Planétarium de Montréal, qui n’est pas impliqué dans l’EHT. « Il faut comprendre que Sagittarius A* est 1000 fois moins massif que celui au centre de la galaxie M87, imagé en 2019. La synchronisation des données a été beaucoup plus délicate. » Aucune autre image de trou noir n’a jamais été réalisée.

Prouver la relativité d’Einstein

Dans son monologue Cable TV, Yvon Deschamps disait : « On veut pas le saouère, on veut le ouère ! » Mais pour les astrophysiciens, quels sont les avantages de voir un trou noir ? Ne peut-on se contenter de connaître ses caractéristiques ? « Les images sont formées avec des mesures qui nous permettent l’une des preuves les plus fortes de la relativité générale d’Einstein, explique M. Hernandez. Il y a eu une dizaine de textes publiés en même temps que l’image. » L’une des chercheurs principaux de l’EHT, Feryal Özel, de l’Université de l’Arizona, a d’ailleurs commencé une téléconférence de presse, jeudi, en signalant que « l’image correspondait de très près aux prédictions théoriques » d’Einstein. Les études ont été publiées dans les Astrophysical Journal Letters.

L’équipe montréalaise

Daryl Haggard, de l’Université McGill, et son étudiante au doctorat Hope Boyce ont travaillé sur les environs de Sagittarius A* avec l’équipe de l’EHT. « Il s’agit d’étoiles situées assez loin du trou noir, à environ 120 unités astronomiques [plus loin que Pluton l’est du Soleil], dit Mme Haggard. Elles perdent du gaz à cause d’un vent stellaire, et ce gaz tombe dans le trou noir. En tombant dans le trou noir, les particules de gaz interagissent avec son champ magnétique et libèrent de la lumière. En étudiant davantage ces particules, on pourra mieux comprendre le champ magnétique. »

Pétaoctets

L’EHT tire son nom de la frontière d’un trou noir, d’où la lumière ne s’échappe pas, et qui s’appelle « horizon », en anglais event horizon. Il est composé de huit télescopes terrestres mis en réseau. « On doit gérer des pétaoctets de données, des millions de gigaoctets », fait observer M. Hernandez. L’image est un tour de force semblable à la prise de photo d’une balle de tennis sur la Lune à partir de la Terre, selon le directeur du Planétarium.

Le film Interstellar

Dans le film Interstellar, de Christopher Nolan, on voit une image de trou noir consistant en un anneau coupé au centre par une barre. Olivier Hernandez s’attendait à ce que Sagittarius A* soit similaire. « Parmi les questions subséquentes, il faudra voir pourquoi on voit le trou noir de face et non comme dans Interstellar, dit-il. Comme Sagittarius A* est dans un bras de la Voie lactée, je me serais attendu à le voir de côté. »

L’abc des trous noirs

Un trou noir est une ancienne étoile qui a concentré toute sa matière en un point infiniment petit. Ces régions de l’espace sont tellement denses que même la lumière ne peut s’en échapper. Seuls quelques dizaines de trous noirs ont été détectés, mais il y en aurait des milliards dans l’univers.

Création

Un autre domaine d’étude fertile sera la détermination de l’histoire de Sagittarius A*. « Était-il présent au début de la Voie lactée ou est-il apparu à cause de nombreux évènements cataclysmiques ? demande M. Hernandez. Comme il y a un trou noir massif au centre de nombreuses galaxies, c’est important de le savoir. » Le sait-on pour M87 ? « C’est un cas un peu différent parce qu’elle est probablement produite par l’interaction de galaxies spirales comme la nôtre. La fusion a fait disparaître le gaz entre les étoiles, comme on en voit dans la Voie lactée. »

En savoir plus
  • 44 millions de kilomètres
    Diamètre de Sagittarius A*
    SOURCE : NASA
    1,4 million de kilomètres
    Diamètre de notre Soleil
    SOURCE : NASA
  • 27 000 années-lumière
    Distance entre la Terre et Sagittarius A*
    SOURCE : NASA
    4,3 millions de fois
    Taille de Sagittarius A* par rapport à notre Soleil
    SOURCE : NASA