Obtenir un rendez-vous pour une mammographie lorsqu’on est une femme en fauteuil roulant peut s’avérer un véritable casse-tête. Près de la moitié des cliniques de dépistage du cancer du sein désignées par Québec refusent de faire passer une mammographie aux femmes en fauteuil roulant, selon une recension du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ).

Ce qu’il faut savoir

  • Parmi les 50 cliniques interrogées par le RAPLIQ, 24 ont refusé l’accès aux femmes en fauteuil roulant.
  • Il s’agit d’un « cas évident de discrimination », estime le Conseil pour la protection des malades.
  • Le ministère de la Santé et des Services sociaux déplore les problèmes d’accès aux mammographies.

« On est humiliées. On se sent discriminées. On se sent à part et pas voulues », déplore la cofondatrice et porte-parole du RAPLIQ, Linda Gauthier.

L’organisme a contacté les cliniques d’imagerie médicale désignées par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour offrir des mammographies de dépistage pour déterminer combien d’entre elles sont accessibles aux femmes en fauteuil roulant.

Parmi les 50 cliniques interrogées, 24 ont refusé l’accès, 18 ont accepté, 2 ont répondu « peut-être », et 6 n’ont jamais répondu à leur demande. Il s’agit du quatrième recensement du RAPLIQ en 10 ans. « Plus ça va et pire c’est. En 2014, il y avait peut-être 20 % des cliniques qui avaient refusé de nous passer des examens », se remémore Mme Gauthier.

Dirigées vers les hôpitaux

Les raisons qui expliquent ces refus varient d’une clinique à l’autre. « Malheureusement, nous n’avons pas de lève-personne ni l’espace pour accueillir un fauteuil motorisé », a déclaré par téléphone une des cliniques du Grand Montréal au RAPLIQ. « C’est très compliqué pour notre technicienne, généralement, on réfère ailleurs », a répondu une autre. « Si elle ne peut pas se tenir debout “quelque temps”, on ne pourra pas parce que c’est trop dangereux », a justifié une troisième.

Plusieurs cliniques orientent les patientes plutôt dans des hôpitaux, prétextant ne pas avoir les outils nécessaires pour faire une mammographie pour les femmes en fauteuil roulant, a constaté l’organisme. « Pourquoi le gouvernement les a nommées comme centres de dépistage désignés, alors ? », se questionne Mme Gauthier.

Le RAPLIQ craint que cette difficulté d’accès empêche des femmes handicapées d’obtenir des soins.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Linda Gauthier, cofondatrice et porte-parole du RAPLIQ

C’est déjà désagréable de passer une mammographie. C’est clair qu’une femme qui va se faire répondre non, il y a de bonnes chances qu’elle n’appelle pas ailleurs après.

Linda Gauthier, cofondatrice et porte-parole du RAPLIQ

« Qu’on soit une entreprise publique ou privée, on est obligé d’offrir les mêmes services et les mêmes soins aux personnes, qu’elles soient en fauteuil roulant ou non. Soit on offre le service à tous, soit on ne l’offre à personne. Pour moi, c’est un cas évident de discrimination », estime le président-directeur général du Conseil pour la protection des malades, MPaul Brunet.

Il juge qu’il reste encore beaucoup de travail à faire au Québec pour les personnes en situation de handicap. « En matière d’accès aux soins, de transport collectif et d’hébergement, l’État n’est pas au rendez-vous. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

« Tous les appareils de mammographie au Québec peuvent s’ajuster à la hauteur d’un fauteuil roulant, à condition que les bras du fauteuil roulant soient amovibles », affirme une porte-parole du MSSS.

Le MSSS déplore les problèmes d’accès

Appelé à réagir, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) soutient que toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats « de façon personnalisée et sécuritaire ». Ainsi, « toute femme [admissible] au Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS) doit pouvoir bénéficier des examens offerts dans le cadre du Programme, si elle le désire ».

« Tous les appareils de mammographie au Québec peuvent s’ajuster à la hauteur d’un fauteuil roulant, à condition que les bras du fauteuil roulant soient amovibles », explique Marie-Claude Lacasse, des relations médias du MSSS.

Le MSSS déplore ces situations de problèmes d’accès.

Nous sommes très sensibles à l’accès aux mammographies, et ce, peu importe la clientèle.

Marie-Claude Lacasse, des relations médias du MSSS

Mme Lacasse soutient que des outils de référence créés pour les commis aux rendez-vous ont été diffusés à tous les centres offrant la mammographie de dépistage, afin de bien orienter les personnes en fauteuil roulant.

Depuis novembre 2017, des interventions ont également été faites par le MSSS auprès de certains centres dénoncés par le Regroupement activiste pour l’inclusion au Québec comme étant non adaptés pour la clientèle à mobilité réduite. « Depuis, tous les centres concernés par la plainte devaient avoir mis en place des mesures pour adapter leurs pratiques et services de mammographie aux personnes handicapées », dit Mme Lacasse.

Des rappels périodiques sont faits auprès des centres de dépistage désignés, assure le MSSS.