La pandémie ne permet pas d’expliquer à elle seule le taux d’échec anormalement élevé à l’examen d’admission à la profession d’infirmière de septembre 2022, tranche le commissaire à l’admission aux professions.

Dans son plus récent rapport, MAndré Gariépy réfute ainsi l’argument principal de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), qui met le contexte pandémique en cause. Il est d’avis que cet argument découle avant toute chose d’« impressions » et qu’il ne s’agit pas d’« une explication généralisable, suffisante et concluante ».

Le commissaire a plutôt conclu dans son rapport que les faibles taux de réussite à l’examen étaient « tributaires principalement des failles de l’examen ». MGariépy exhorte en somme l’OIIQ à « se mettre au travail » pour « corriger » ces failles, parmi lesquelles « sa validité, sa fiabilité et l’établissement de sa note de passage ».

Le commissaire reproche par ailleurs à l’Ordre d’avoir lui-même créé « une aberration statistique » en modifiant la note de passage après l’observation des résultats de l’examen de septembre 2022. Cette manipulation aurait fait basculer en situation d’échec quelque 500 candidates.

On ne peut intervenir dans l’établissement de la note de passage d’un examen […] sur la base d’impressions ou de convictions tirées d’observations non validées.

MAndré Gariépy, commissaire à l’admission aux professions

Dans son rapport, le commissaire s’en prend également à la solution avancée par l’OIIQ de saborder son examen pour adopter l’examen national américain NCLEX-RN, comme l’ont fait d’autres provinces canadiennes. De l’avis de MGariépy, il ne s’agit pas d’une solution valable à court terme et il qualifie d’« irréaliste » l’échéancier évoqué d’un déploiement en 2024.

Parmi les obstacles majeurs ciblés par le commissaire, il cite le niveau minimal de formation qui, au Québec, demeure le diplôme d’études collégial. Ailleurs en Amérique du Nord, on exige un baccalauréat : le NCLEX-RN évalue donc des connaissances et des compétences plus pointues que ce qui est attendu dans la Belle Province.

Si toutefois l’OIIQ persiste dans sa volonté d’adopter le NCLEX-RN, il doit faire preuve d’une plus grande transparence et ne doit pas pour autant lésiner sur la révision de l’examen actuel, affirme MGariépy.

L’Office des professions s’en mêle

L’Office des professions du Québec a annoncé dans la foulée du rapport qu’il imposait une forme de tutelle à l’OIIQ.

« Nous posons les gestes nécessaires afin que l’OIIQ donne suite dans les meilleurs délais aux cinq recommandations du commissaire », a affirmé Dominique Derome, présidente de l’Office.

La confiance du public envers l’Ordre et le système professionnel en dépend et nécessite une action rapide.

Dominique Derome, présidente de l’Office des professions du Québec

L’Office a ainsi choisi de nommer un spécialiste indépendant pour encadrer le processus d’établissement de la note de passage de l’examen de septembre 2023. Les mandats du spécialiste comprennent également :

  • l’application des recommandations quant au recalcul de la note de passage de la séance d’examen de septembre 2022 ;
  • l’application des recommandations relatives au processus d’établissement de la note de passage de la séance d’examen de mars 2023 ;
  • l’accompagnement de l’Ordre dans ses travaux afin d’améliorer son examen actuel en vue des prochaines séances ;
  • l’accompagnement de l’Ordre dans ses travaux afin de compléter sa demande d’adoption de l’examen NCLEX-RN, aux fins d’analyse par les autorités.

À la lumière des conclusions du commissaire sur l’incidence de la pandémie, l’Office tient par ailleurs à « rassurer la population » en ce qui a trait à la qualité des soins prodigués par les infirmières.

« Position d’ouverture »

L’OIIQ a affirmé par voie de communiqué « prendre acte des recommandations avancées » par le commissaire. L’Ordre affirme lui aussi croire en la « nécessité de revoir son examen d’admission » et assure travailler en ce sens.

Accompagné depuis le début de septembre par un expert en mesure et évaluation de l’Office, l’OIIQ se penche activement à l’établissement de la note de passage à l’examen de septembre 2023. « Sensible » aux enjeux que soulève ce dossier, l’OIIQ « entend conserver une position d’ouverture ».

L’OIIQ soutient toutefois que cette question est d’une grande complexité : « Le chantier est immense et il n’existe pas de voie de sortie rapide aux enjeux soulevés. »

L’examen de l’OIIQ comporte une centaine de questions à choix de réponses et dure une journée entière. Il a lieu deux fois par année, en septembre et en mars. Les candidats peuvent se présenter à l’examen un maximum de trois fois.

Avec Alice Girard-Bossé, La Presse, et La Presse Canadienne

L’histoire jusqu’ici

Septembre 2022

Près de la moitié des étudiants en soins infirmiers qui passaient l’examen d’admission à la profession pour la première fois ont échoué.

Novembre 2022

Le commissaire à l’admission aux professions, MAndré Gariépy, a lancé une enquête sur les causes de ce taux d’échec disproportionné.

9 mai 2023

Le commissaire a noté plusieurs failles dans l’examen, notamment concernant la qualité des questions, selon les conclusions de son rapport présenté mardi.

En savoir plus
  • 51,4 %
    Taux de réussite chez les personnes s’étant présentées pour la première fois à l’examen d’admission à la profession en septembre 2022
    SOURCE : ORDRE DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS DU QUÉBEC
    82,3 %
    Taux de réussite moyen chez les personnes s’étant présentées pour la première fois à l’examen d’admission à la profession lors des huit examens précédents
    SOURCE : ORDRE DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS DU QUÉBEC