La propagation des maladies transmises sexuellement dépasse son niveau prépandémique au Québec, prévient la Santé publique. Deux bébés sont d’ailleurs mort-nés à cause de la syphilis de leur mère l’an dernier, une situation inédite.

Douze autres nourrissons sont nés infectés par la maladie en 2022, un record depuis que Québec tient le compte des syphilis congénitales (transmises dans l’utérus).

« C’est une préoccupation réelle », a expliqué le DLuc Boileau, directeur national de santé publique, en entrevue téléphonique. « Est-ce que ça nous inquiète ? Oui. Et c’est pour ça qu’on agit. »

Il parlait à La Presse dans la foulée de la publication, par le ministère de la Santé, d’un bulletin d’information destiné à la communauté médicale qui décrit une augmentation « préoccupante » de la présence de la syphilis au Québec.

« La syphilis était une maladie que nous pensions, il y a une vingtaine d’années, être capables d’éliminer du portrait québécois et plus largement encore, a-t-il continué. Elle a fait un retour marqué au fil du temps. Elle se concentre chez les hommes, mais là, on la voit s’étendre aux femmes en âge de procréer. »

La syphilis est une infection bactérienne qui peut entraîner – au bout de plusieurs années – de graves dommages au cœur ou au cerveau. La maladie peut se transmettre d’une mère à son enfant si un traitement médical approprié n’est pas suivi.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le directeur national de santé publique, le DLuc Boileau

Le Québec a accueilli des populations d’endroits plus vulnérables, où le dépistage est moins systématique. Nous avons comme société les moyens de traiter cela et d’agir en prévention.

Le DLuc Boileau, directeur national de santé publique

« Malheureusement, quand elles arrivent en fin de grossesse avec la syphilis, il est déjà trop tard parce que la fenêtre de traitement est au début de la grossesse », a ajouté Riyas Fadel, directeur de la prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) à la Santé publique.

La prostitution, la consommation de drogues et les relations sexuelles avec des partenaires anonymes constituent d’autres facteurs de risque, selon un appel à la vigilance diffusé par le DBoileau et son équipe. Objectif : que les médecins qui voient passer des femmes enceintes puissent détecter rapidement celles qui sont atteintes de syphilis et intervenir rapidement.

« Plus encore » qu’avant la pandémie

Si elle est peut-être la plus inquiétante, l’augmentation des cas de syphilis congénitale n’est pas la seule sur l’écran radar de la Santé publique.

Globalement, sur le plan des ITSS, « on reprend là où nous étions en termes de progression en 2015-2019, mais plus encore », a expliqué le DBoileau.

« En 2022, 1203 cas de syphilis infectieuse ont été déclarés au Québec, comparativement à une moyenne annuelle de 966 pour la période 2015-2019 », précise le bulletin d’information du ministère de la Santé. « Si les cas de syphilis infectieuse étaient auparavant concentrés dans la région de Montréal, ils s’étendent désormais à la plupart des régions du Québec. »

Même portrait du côté de la gonorrhée. En 2022, 8117 cas ont été rapportés au Québec, « comparativement à une moyenne annuelle de 5944 cas pour la période 2015-2019 », selon le Ministère.

La lutte contre cette maladie est compliquée par la résistance de la bactérie aux antibiotiques, résistance qui « continue de progresser de manière inquiétante ».

La lymphogranulomatose vénérienne (LGV), une maladie qui était extrêmement rare avant 2013 (moins de 10 cas par année), a fait 144 malades en 2022. Elle est surtout présente chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes. « Une hausse significative de l’incidence est enregistrée dans trois régions, soit Chaudière-Appalaches, Lanaudière et l’Outaouais », indique le bulletin.

Dépistage amélioré

Selon le DLuc Boileau, il ne faut toutefois pas perdre de vue que le Québec fait de plus en plus d’efforts pour détecter ces maladies, afin de les traiter le plus rapidement possible.

« Nous avons amélioré nos systèmes de dépistage, a-t-il dit. On observe plus de cas, mais c’est peut-être parce qu’on est plus capables de les dépister. »

Espoir au tableau, tout même : la variole simienne, qui mettait la Santé publique en alerte à pareille date l’an dernier, n’est virtuellement plus détectée à Montréal, pourtant « l’épicentre nord-américain » de la maladie. « On a réussi à contrer cette éclosion-là de façon spectaculaire, a dit le DBoileau. Cette année, nous n’affichons que de très rares cas. Même que je vous dirais qu’on n’en a pas. On est bien contents de ça. »