Une étude pilotée par un chercheur québécois a mené la Food and Drug Administration (FDA) à approuver, pour la première fois, un anti-inflammatoire qui peut prévenir les évènements cardiovasculaires.

Ce qu’il faut savoir

  • L’étude québécoise COLCOT a mené à l’approbation par la FDA du premier anti-inflammatoire pour la prévention d’évènements cardiovasculaires.
  • Selon les résultats de COLCOT, la colchicine réduit de 23 % les évènements cardiovasculaires chez les patients ayant subi un infarctus dans les 30 jours précédant l’administration du médicament.
  • Au Québec, on peut se procurer la colchicine pour moins de 1 $ par jour.
  • Les effets secondaires de la colchicine sont principalement gastro-intestinaux.

La FDA des États-Unis a approuvé la semaine dernière la colchicine à faible dose (0,5 milligramme par jour) pour réduire le risque d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral (AVC), de pontage coronarien et de décès cardiovasculaire chez les patients souffrant de maladies coronariennes ou qui présentent des facteurs de risques cardiovasculaires multiples.

« C’est une très bonne nouvelle, nous sommes très fiers ! », lance le directeur du centre de recherche de l’Institut de cardiologie de Montréal et professeur de médecine à l’Université de Montréal Jean-Claude Tardif, joint au téléphone.

Le DTardif a réalisé la première des deux études ayant mené la FDA à approuver l’anti-inflammatoire dans la prévention d’évènements cardiovasculaires. L’étude COLCOT, publiée en 2019 dans la revue The New England Journal of Medicine, a comparé l’efficacité de la colchicine et d’un placebo dans la réduction du risque cardiovasculaire chez 4745 patients. Les résultats démontrent que la colchicine réduit de 23 % les évènements cardiovasculaires chez les patients ayant subi un infarctus dans les 30 jours précédant l’administration du médicament.

Les résultats de COLCOT ont été confortés par une seconde étude en 2020, LoDoCo-2, également publiée dans The New England Journal of Medicine et menée par le chercheur et cardiologue australien Stefan Mark Nidorf. Les chercheurs rapportent une réduction de 31 % du risque d’évènements cardiovasculaires par la colchicine chez des patients souffrant de maladies cardiovasculaires chroniques, lorsqu’elle est ajoutée aux traitements standards de prévention.

COLCOT a mené à l’approbation de la colchicine par Santé Canada, en 2021, pour la réduction des évènements cardiovasculaires chez les patients aux prises avec une maladie cardiovasculaire.

Pour le DTardif, l’approbation de la colchicine par la FDA doit désormais se traduire en action. « Maintenant que ce médicament a été approuvé par les agences les plus rigoureuses, il faut informer et rassurer les médecins et les infirmières pour favoriser sa prescription », explique-t-il.

Des bénéfices qui surpassent les risques

Qui dit médicament, dit effets secondaires. La colchicine ne fait pas exception à la règle. Les symptômes rapportés par les études COLCOT et LoDoCo-2 sont principalement gastro-intestinaux. Les chercheurs ont noté des maux de ventre, de la diarrhée et des vomissements. Des douleurs musculaires ont également été observées.

PHOTO FOURNIE PAR L’INSTITUT DE CARDIOLOGIE DE MONTRÉAL

Le DJean-Claude Tardif

Somme toute, la colchicine a été bien tolérée chez les patients ayant participé à l’étude. Mais elle n’est pas recommandée pour les personnes souffrant d’insuffisance rénale ou de maladies sévères du foie.

Le DJean-Claude Tardif

Le chercheur et directeur de l’axe de recherche en cardiologie de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Philippe Pibarot, qui n’a pas participé aux études, se réjouit également de l’approbation de la colchicine par la FDA, d’autant plus que cette avancée importante peut en partie être attribuable à une étude bien de chez nous.

Selon le DPibarot, ce qui distingue la colchicine d’autres anti-inflammatoires, c’est la sécurité associée à son usage chronique.

Il existe d’autres anti-inflammatoires plus puissants que la colchicine, mais ils viennent également avec davantage d’effets secondaires. Dans le cas de la colchicine, son efficacité surpasse ses effets indésirables.

Le DPhilippe Pibarot

Son faible coût est également un facteur intéressant pour les patients. « Au Québec, on peut s’en procurer pour moins de 1 $ par jour », souligne le DTardif.

Les multiples facettes de la colchicine

L’utilisation de la colchicine comme anti-inflammatoire ne date pas d’hier. Loin de là. « La colchicine provient d’une plante, le colchique d’automne, qui était consommée il y a des milliers d’années pour ses propriétés anti-inflammatoires », explique le DTardif.

La colchicine a par la suite été commercialisée pour traiter la goutte, la péricardite et la fièvre méditerranéenne familiale.

Qu’est-ce qui a poussé le DTardif à tester son efficacité contre les maladies cardiovasculaires ? « On sait depuis environ 20 ans que l’inflammation est une cause importante de l’athérosclérose, l’accumulation de graisses dans les artères qui peut entraîner des crises cardiaques, explique-t-il. Nous voulions donc évaluer si le pouvoir anti-inflammatoire de la colchicine pouvait prévenir les évènements cardiovasculaires. »

La prochaine étape ? Tester le pouvoir préventif de ce médicament chez des patients qui n’ont jamais eu d’évènement cardiaque, mais qui présentent certains facteurs de risque. L’équipe du DTardif est d’ailleurs en recrutement de personnes qui souffrent du diabète de type II afin de lancer la prochaine phase de sa recherche.

La colchicine s’est retrouvée au cœur d’une tempête médiatique au début de l’année 2021, alors que des résultats préliminaires obtenus par l’équipe du DTardif semblaient démontrer son efficacité pour prévenir les complications liées à la COVID-19.

L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux du Québec (INESSS), qui a révisé l’étude, avait alors conclu que ces résultats n’étaient pas significatifs d’un point de vue statistique et que des recherches plus poussées étaient nécessaires.

Selon le DPibarot, à l’inverse, les résultats de l’étude COLCOT sont très robustes, d’autant plus qu’ils ont été appuyés par plusieurs essais cliniques.