Non, le projet de règlement bannissant la vente de vapoteuses à saveur au Québec ne réduira pas l’industrie du vapotage en cendres. Il oblige toutefois les propriétaires de boutiques spécialisées à repenser leur modèle d’affaires.

En avril dernier, le gouvernement du Québec annonçait un projet de règlement visant à bannir la vente de vapoteuses à saveur dans la province. Le projet vise entre autres à limiter l’accès des adolescents et des jeunes adultes à ces produits.

Dans un communiqué de presse diffusé le 16 mars dernier, l’Alliance des boutiques de vapotage du Québec affirmait que l’interdiction des saveurs risque « d’anéantir » l’industrie du vapotage, qui comprend plus de 400 boutiques et emploie quelque 2200 personnes à travers la province.

Chef des opérations des boutiques de vapotage Vaporus, Alex Beaucage tient un autre discours. Ses 11 succursales et son laboratoire de production poursuivront leurs activités. « On va s’adapter, on va faire ce qu’on peut », assure-t-il en entrevue.

Si Vaporus doit cesser de vendre des vapoteuses à saveur au Québec, l’entreprise continuera d’en produire pour les vendre à l’extérieur, dans les provinces où elles sont permises.

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Alex Beaucage, chef des opérations des boutiques de vapotage Vaporus

M. Beaucage estime toutefois que les plus petites boutiques seront contraintes de fermer ou d’être converties en dépanneurs.

« On ne ferme pas nos magasins », assure pour sa part Daniel Marien, fondateur des boutiques La Vape Shop et porte-parole de l’Association des représentants de l’industrie du vapotage (ARIV). L’entrepreneur entend toutefois modifier son offre de produits pour conformer ses 36 succursales au nouveau règlement.

Aussi propriétaire du Labo LVS, une unité de fabrication de produits de vapotage, M. Marien devra revoir toute sa chaîne de production, un défi qu’il se dit « prêt à essayer de relever ».

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Le laboratoire d’expertise et recherche et développement de Vaporus

Un marché en mutation

Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise contre le tabac (CQCT), ne s’émeut pas devant la situation des commerces de vapotage. Elle soutient que l’industrie du vapotage « met l’accent sur le fait qu’il va juste y avoir des produits à saveur de tabac ». Or, selon le nouveau règlement, il demeurera possible de fabriquer des produits rehaussés de certains additifs « qui confèrent un certain goût, mais qui ne seront pas des saveurs caractérisantes, comme les fruits ou la menthe ».

La porte-parole de la CQCT s’inquiète que les entreprises de vapotage s’adaptent aux nouvelles règles en misant sur une plus grande offre d’accessoires de vapotage personnalisés.

Elle donne l’exemple des boutiques V3, qui proposent une variété d’étuis colorés et d’ornements métalliques faits sur mesure pour leurs vapoteuses.

Mme Doucas prédit que l’industrie tentera de rendre les vapoteuses visuellement plus attrayantes afin d’attirer une jeune clientèle, chez qui l’usage de vapoteuse est plus prévalent que dans le reste du public. D’après une enquête de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) parue en 2022, environ 18 % des adolescents et 15 % des jeunes adultes québécois disent vapoter, contre 5 % des adultes de 25 ans et plus.

L’industrie se mobilise

La période de consultation du règlement visant à bannir la vente de vapoteuses à saveur ayant pris fin début mai, le projet est maintenant à l’étude. Sa date d’entrée en vigueur reste inconnue.

L’industrie du vapotage semble avoir joué ses dernières cartes. En plus de faire circuler des pétitions s’opposant au règlement, les acteurs de l’industrie comme l’ARIV et la Coalition pour les droits des vapoteurs du Québec (CDVQ) se sont joints à Éric Duhaime pour proposer des mesures alternatives, lors d’une conférence de presse le 30 mai.

L’industrie [du vapotage] se bat bec et ongles, actuellement.

Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise contre le tabac (CQCT)

Aux côtés du chef du Parti conservateur du Québec, Daniel Marien suggérait notamment d’instaurer d’une taxe de 3 % sur les produits de vapotage et de punir la vente aux mineurs par des amendes plus salées. Le porte-parole de l’ARIV juge que pour dissuader les jeunes de vapoter, le bannissement des saveurs est un « gros coup d’épée dans l’eau ».

Selon Flory Doucas, le bannissement des saveurs demeure la meilleure solution pour éloigner les jeunes du vapotage. La porte-parole souligne que parmi les jeunes Québécois sondés par Santé Canada en 2022, « 80 % disaient utiliser une saveur de fruit ou de menthe ».

Consultez les résultats du sondage de 2022 de Santé Canada sur les habitudes des élèves sur le tabac, l’alcool et les drogues

Le règlement proposé par Québec est loin d’être trop sévère, juge Mme Doucas. Selon elle, au lieu de cibler les adultes qui veulent arrêter de fumer la cigarette, l’industrie a erré en priorisant des saveurs pour attirer les jeunes. « Alors le gouvernement resserre les règles. »