(Québec) La vaste réforme de Christian Dubé ne va pas assez loin pour améliorer l’accès aux soins de santé, selon le Collège des médecins. Le projet de loi 15 est trop centré sur ce qui se passe à l’hôpital et pas assez sur les soins de proximité, déplore l’ordre professionnel.

« Il faut s’occuper du patient avant qu’il soit obligé d’aller à l’hôpital, et après un épisode de soins, le patient doit quitter l’hôpital dans de bonnes conditions […] Je parle ici de la première ligne et des soins à domicile », illustre en entrevue le président du Collège, le DMauril Gaudreault.

Selon l’ordre professionnel, le projet de loi 15 qui vise à rendre plus efficace le réseau de la santé et des services sociaux est « exclusivement centré sur l’organisation des soins au sein des établissements » et ne s’attarde pas suffisamment à ce qui se passe à l’extérieur, comme dans les groupes de médecine familiale (GMF), les cliniques de soins de santé, les soins et l’hospitalisation à domicile.

« Le Collège est d’avis qu’il ne sera donc pas possible d’améliorer significativement l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire sans une planification et une gestion orientée vers les soins de proximité », indique-t-on dans un mémoire qui sera présenté mardi aux parlementaires dans le cadre des consultations sur le texte législatif du ministre Christian Dubé.

« Le silence du projet de loi à cet égard nous amène à nous questionner quant à la capacité du gouvernement à remédier à l’engorgement vécu dans les urgences où les patients aboutissent lorsqu’il leur est impossible d’obtenir un rendez-vous en clinique », écrit le Collège.

« Je pense qu’il ne faut pas se limiter à ce qui se passe à l’intérieur des établissements, l’accès aux soins, c’est sur l’ensemble du territoire », fait remarquer le DGaudreault. Le Collège a d’ailleurs récemment effectué une tournée d’une douzaine de pôles en santé du Québec.

« Partout, partout, j’ai constaté des problèmes d’accès et de qualité des soins, avec même certaines régions où il y avait des citoyens qui étaient privés de soins. Ce n’est pas vrai qu’on peut continuer comme ça, il faut faire quelque chose pour améliorer l’accès », souligne-t-il.

Le Collège des médecins est favorable au projet de réforme de Christian Dubé qui vise à confier tout le volet opérationnel du ministère de la Santé et de Services sociaux à Santé Québec, une nouvelle société d’État. Le Ministère pourra se concentrer sur son rôle de planification.

Mais le ministre Christian Dubé doit aller plus loin alors que le texte législatif ne contient pas suffisamment « de mesures concrètes pour un meilleur accès », hormis quelques pistes de solution, note le Collège.

Ce dernier recommande à M. Dubé de modifier son projet de loi pour y ajouter la notion de « soins de proximité », lesquels doivent être dispensés en intégrant l’ensemble des ressources du réseau, dont les ressources communautaires, dans la gestion de Santé Québec.

La voix de médecins « diminuée »

Autre source de préoccupation, le Collège des médecins estime que Québec « semble vouloir diminuer l’importance du leadership médical » dans sa réforme en « diluant » l’autorité et les responsabilités des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) dans l’organisation des soins.

Dans la forme actuelle du projet de loi, les CMDP relèveront du directeur médical et du conseil interdisciplinaire de l’établissement. Le Collège y voit « une perte d’indépendance de cette instance ».

« La diminution de la portée de l’implication médicale vient avec un risque significatif de démobilisation et de désengagement du corps médical », prévient le Collège. Les médecins sont aussi exclus des conseils d’établissement, qui viendront remplacer les conseils d’administration.

Par ailleurs, le Collège estime que le projet de loi en matière de gouvernance clinique « concentre les pouvoirs entre les mains d’un groupe restreint de gestionnaires, entraînant un risque réel de décision arbitraire » puisque « les mêmes personnes seront responsables à la fois d’octroyer les privilèges et de déterminer les sanctions » des médecins.

La nouvelle structure prévoit l’ajout par établissement d’un directeur médical, qui vient remplacer l’actuel directeur des services professionnels, et de deux autres postes de direction, l’un pour la médecine familiale et l’autre pour la médecine spécialisée.

« On est d’accord, mais ça ne peut pas être ces seules personnes-là. On semble oublier qu’à l’intérieur des établissements, depuis toujours, il y a des chefs de département, des médecins qui assument des responsabilités. […] Il faut remettre ça à l’ordre du jour », souligne le DGaudreault.

Conserver les CMDP selon leur structure actuelle est une solution recommandée par le Collège.

Après une pause de deux semaines, les consultations particulières sur l’imposant projet de loi 15 reprennent ce mardi. Outre le Collège des médecins, les syndicats des médecins de famille et des médecins spécialistes seront entendus.