Des chercheurs ayant collaboré au dernier guide sur la consommation d’alcool souhaitent que Santé Canada mette à jour les informations publiées sur son site internet à ce sujet.

Le ministre fédéral de la Santé Jean-Yves Duclos croit aussi que la population devrait avoir accès à la plus importante recommandation formulée par les chercheurs

Le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances a publié en janvier un rapport financé par Santé Canada. Il y déclare que les découvertes scientifiques démontraient qu’il n’existe aucune limite de consommation d’alcool sans danger. Selon lui, se contenter de boire un à deux verres standards par semaine « représente un risque faible ».

Les précédents Repères canadiens sur l’alcool et la santé, publiés en 2011, faisaient état de deux verres… par jour. Cette donnée figure toujours sur le site internet de Santé Canada.

M. Duclos dit que les gens doivent avoir accès en ligne à ces données pour réfléchir à la consommation d’alcool et à leur bien-être.

« Chaque Canadien a le droit de savoir ce que les experts croient, reconnaît-il. Ultimement, c’est aux gens à décider. Ils doivent avoir facilement accès à ce type de renseignement qui est important pour eux. »

Cependant, le ministre ne peut pas promettre que le site sera mis à jour. Il a référé la question à la ministre de la Santé mentale et des Dépendances, Carolyn Bennett. Une porte-parole a indiqué que celle-ci n’était pas disponible pour commenter.

Dans une déclaration écrite, le cabinet de Mme Bennett affirme que le gouvernement « continue de parler aux Canadiens des politiques visant à réduire les effets néfastes de la consommation d’alcool. Il tente toujours de déterminer les meilleures façons de diffuser les informations sur les méfaits de l’alcool ».

« Nous croyons que cette tâche est essentielle avant de mettre en place les derniers outils et les dernières méthodes de communication. »

Mme Bennett ne s’est pas engagée à présenter une nouvelle réglementation fédérale qui obligerait les entreprises à ajouter de nouvelles étiquettes à leurs produits, comme le recommande le groupe de scientifiques. En février, elle avait dit qu’elle espérerait que l’industrie s’attaquerait seule au problème de l’étiquetage, sans en y être contrainte.

Peter Butt, qui a co-présidé la rédaction du nouveau guide, veut que Santé Canada publie les plus récentes données afin de démontrer l’appui du gouvernement au rapport. Il rappelle que ce dernier a été financé par Santé Canada.

« Nous parlons d’une transformation culturelle et politique qui ne survenir en une seule nuit. Mais vous savez, les gens souhaitent voir le gouvernement faire les bonnes choses », souligne-t-il.

Il souhaite que le guide de 2011 qui recommandait une limite hebdomadaire de 15 verres pour les hommes et de 10 verres pour les femmes soit remplacé par les nouveaux Repères.

« Je suis sûr que Santé Canada doit digérer le nouveau guide, tout comme les individus ont dû le faire », ajoute le Dr Butt qui concède que les plus récentes données soulèvent plusieurs questions.

« Que devons-nous pour réagir à cela ? Quelle est notre responsabilité ? Comment nous plaçons-nous sur le plan des risques tolérables — économiques et politiques par rapport à ce qui est juste ? »

Il juge que l’alcool est un « produit compliqué » dans la façon dont il est mis en marché.

Il remet en question la position de Mme Bennett de vouloir laisser ce problème à l’industrie elle-même.

Cela n’oriente personne, d’aucune façon. C’est juste pelleter le problème plus loin. Que pensez-vous que l’industrie du tabac aurait fait si on lui avait dit qu’elle avait le choix de placer des étiquettes sur les paquets de cigarettes.

Dr Peter Butt

Vignerons Canada dit être en train de créer un code QR qui pourrait être placé volontairement sur un contenant d’alcool. Ce code enverrait les consommateurs vers un site qui contiendrait des avertissements sur les dangers de l’alcool, notamment les risques à long terme sur la santé mentale et les effets négatifs potentiels sur une relation.

Le Dr Butt compare cette stratégie aux « publireportages » diffusés sur l’internet qui visent plus à défendre les intérêts financiers de l’industrie qu’à fournir des renseignements aux consommateurs.

« L’alcool n’est pas un produit ordinaire. Il a une histoire. Il s’inscrit dans notre culture. Il existe une économie autour de lui », mentionne-t-il.

Tim Naimi, le directeur du Canadian Institute for Substance Use Research de l’Université de l’Université de Victoria, souligne que les derniers Repères sont fondés sur les données scientifiques. Ils pourraient être utilisés pour mettre en œuvre des politiques visant à réduire les effets néfastes de la consommation d’alcool.

« J’espère vraiment que Santé Canada jouera un rôle actif sur ce plan-là », a-t-il dit en parlant de la nécessité de publier le guide du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.