(Saint-Eustache) Les appels d’urgence au 911 de quatre villages du Nunavik seront traités à partir de Saint-Eustache. Ce projet-pilote d’une durée d’un an a été annoncé jeudi par le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière.

Le ministre Lafrenière était de passage à l’hôtel de ville de Saint-Eustache pour procéder à cette annonce au nom de son collègue de la Sécurité publique, François Bonnardel. Le maire de Saint-Eustache, Pierre Charron, et la présidente de l’Administration régionale Kativik, Hilda Snowball, étaient aussi sur place pour l’occasion.

Depuis lundi, les appels au 9-1-1 provenant de la communauté d’Umiujaq sont reçus par le centre de répartition de Saint-Eustache. Trois autres communautés, soit celles de Kuujjuarapik, de Puvirnituq et d’Inukjuak, seront éventuellement reliées aux services d’urgence de la région de Deux-Montagnes.

C’est grâce à la technologie de fibre optique désormais disponible dans les quatre communautés visées que ce partenariat a été rendu possible. On espère éventuellement brancher l’ensemble des 14 villages du Nunavik au rythme où la technologie pourra être déployée.

Pour rendre cette initiative possible, Québec a versé une subvention de 900 000 $ puisée dans l’enveloppe du Plan d’action gouvernemental pour le mieux-être social et culturel des Premières Nations et des Inuit. Du côté de Saint-Eustache, on a procédé à l’embauche de 13 nouveaux répartiteurs ayant reçu une formation particulière de l’Université Laval.

Ces répartiteurs ont été sensibilisés au contexte historique, politique et socioculturel du peuple inuit. Ils doivent aussi être parfaitement bilingues en plus de pouvoir bénéficier d’un service de traduction accessible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept en cas de besoin. Les répartiteurs auront aussi sous la main un lexique contenant des mots de base en inuktitut.

« Ce centre de répartition va aider à changer la manière dont les Nunavimmiut, les services de police et d’incendie gèrent les appels d’urgence. Il s’agit d’un élément clé dans la mise en place d’infrastructures résilientes pour le Nunavik », a mentionné Mme Snowball.

Elle a expliqué le choix du service de Saint-Eustache en raison de son expertise qui répond bien aux besoins des communautés nordiques. Elle a ajouté que les opérations sont un succès depuis le début de la semaine. Sept appels avaient déjà été reçus par la centrale des Laurentides en date de jeudi matin.

« Une étape à la fois, nos communautés sont plus sécuritaires grâce à ce projet », estime la présidente de Kativik.

Recommandation de la CNESST

Toute cette démarche découle d’une recommandation formulée par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) à la suite d’une enquête sur la mort d’un policier survenue le 2 mars 2013.

Les mauvaises infrastructures de télécommunication avaient été mises en cause dans la mort du policier Steve Déry. L’agent originaire d’Ottawa a été abattu par balle alors qu’il effectuait une intervention dans une résidence pour une affaire de violence conjugale.

« Des membres de notre communauté ont commémoré le 10e anniversaire de son décès la semaine dernière et cette tragédie a pavé la voie au changement auquel on assiste aujourd’hui », a rappelé Hilda Snowball.

Le ministre Lafrenière, qui a lui-même assisté aux funérailles du policier Déry en 2013, a souligné que ce n’est pas le manque de volonté, mais plutôt un retard technologique qui empêchait l’implantation d’un service de répartition sécuritaire.

Enjeu de sécurité culturelle

Malgré toute la sensibilisation et la formation offerte aux répartiteurs, il demeure que ce sont des allochtones qui répondent à des appels d’urgence d’Autochtones. Cette communication demeure chargée d’un lourd bagage de traumas reliés à la colonisation.

Hilda Snowball dit être consciente que cette réalité peut être inconfortable pour plusieurs Nunavimmiut, mais le service de traduction en inuktitut devrait permettre d’en rassurer certains. Elle soutient également qu’à plus long terme, Kativik voudrait voir des Inuit formés comme répartiteurs pour répondre aux appels.

Comme il existe une importante diaspora inuite au Sud, elle croit que certaines personnes pourraient être intéressées à suivre la formation afin d’en faire leur métier.

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