Devant des « retards d’avancement », Québec repousse à 2023 la livraison des 33 maisons des aînés qui devaient être livrées d’ici la fin de l’année. Cette promesse phare du gouvernement Legault doit se traduire par l’ajout de 2600 places d’hébergement pour aînés.

Selon une « mise à jour » fournie par la Société québécoise des infrastructures (SQI), la presque totalité des établissements qui devaient être construits au cours de l’automne ne seront pas terminés à temps.

Seule la maison des aînés de Rivière-du-Loup est livrée, tandis que celle de Sherbrooke doit toujours l’être cet automne. C’est donc dire que 31 des 33 maisons promises pour l’automne 2022 ne seront pas livrées dans les délais prévus.

« Cette mise à jour était nécessaire en raison de retards d’avancement qui affectent l’ensemble des projets d’infrastructures gouvernementaux actuellement », écrit la SQI dans un document transmis à La Presse.

Les nouveaux échéanciers vont de « l’hiver 2023 » au « printemps 2023 », sans plus de précisions. Une version précédente du document indiquait des dates de livraison précises pour chacune des maisons des aînés à travers le Québec.

Il faut préciser que le gouvernement Legault veut construire en tout 46 maisons des aînés, mais que 13 d’entre elles sont prévues pour 2023 et 2024. Dans ces cas-ci, les échéanciers demeurent pour la plupart les mêmes, selon la mise à jour.

Ces retards qui s’accumulent sont une tuile importante pour le gouvernement Legault. Le respect des échéanciers était un élément crucial des chantiers de maisons des aînés, une promesse phare de la Coalition avenir Québec.

Dans certains documents de contrats de maisons des aînés consultés par La Presse, on peut lire que les projets sont visés par la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure (projet de loi 66) et que dans cette optique, « le délai de réalisation des travaux en est une considération essentielle ».

Le projet de loi 66, adopté pendant la pandémie, était censé donner un « électrochoc » pour écourter les délais de construction et « accélérer des projets importants » pour contribuer à la relance économique.

Ce n’est « pas surprenant », a déclaré la nouvelle ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, en marge d’une conférence de presse à Montréal. « On sait que l’industrie de la construction est extrêmement sollicitée et [qu’elle a] des enjeux, mais on suit ça de très près », a indiqué l’ex-PDG du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Mme Bélanger succède à l’ex-ministre Marguerite Blais, qui est à l’origine du concept des maisons des aînés. En ce qui concerne l’impact sur les gens en attente d’une place d’hébergement, Mme Bélanger a affirmé que « si ces gens-là demeurent avec de proches aidants ou dans d’autres milieux, on va les soutenir et on va aussi s’assurer que les retards ne soient pas indûment allongés », a-t-elle ajouté.

Surchauffe dans l’industrie de la construction

Parmi les raisons invoquées pour justifier les retards de livraisons, la SQI mentionne que le « contexte de surchauffe du marché crée une pression supplémentaire sur la pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction ». On évoque aussi la pénurie de certains matériaux ou pièces d’équipements. « Certains sites présentaient diverses contraintes liées à la qualité des sols qui ont eu un impact sur l’envergure des travaux projetés », indique le porte-parole Francis Martel.

Selon plusieurs contrats de maisons des aînés, les promoteurs doivent soumettre un avis écrit d’autorisation de prolongation pour chaque délai rencontré dans les échéanciers. Et la SQI doit confirmer cette prolongation.

Dès le début du mois d’octobre, La Presse demandait à la SQI de lui fournir la liste des maisons des aînés pour lesquelles il y aurait des délais de livraison. La liste a finalement été transmise jeudi. Tous les CIUSSS et CISSS ont redirigé nos demandes vers la SQI. Selon M. Martel, « plusieurs vérifications » ont dû être faites et plusieurs dossiers ont avancé cet automne, d’où la lenteur de la SQI à fournir une réponse.

À Mirabel, le projet de maison des aînés de 72 lits devait être livré le 16 décembre. Mais le tout est reporté au printemps 2023 à cause d’importants problèmes de sols.

Au début de l’automne, une portion du chantier s’est affaissée et a forcé une démolition partielle du bâtiment, selon trois sources indépendantes bien au fait du dossier qui ont contacté La Presse.

Questionné à ce sujet, l’entrepreneur responsable du chantier, Pomerleau, a dirigé les questions vers la SQI. M. Martel explique ne pas pouvoir répondre à toutes les questions à ce sujet puisqu’un processus d’investigation est toujours en cours « pour déterminer les causes exactes » de l’incident. Selon lui, ce contretemps n’aura aucun impact sur les contribuables québécois puisque le projet est réalisé en mode « conception, construction, financement ».

En mai, La Presse rapportait que les coûts des maisons des aînés gonflaient à nouveau pour atteindre une facture de 2,8 milliards. En raison de la surchauffe dans l’industrie de la construction, les coûts avaient bondi de 19 %, soit de 430 millions de dollars. À ce moment, le gouvernement Legault se disait malgré tout déterminé à livrer à l’automne les 2600 places.

Les groupes d’opposition à Québec ont tous accusé le gouvernement Legault de « foncer tête baissée » dans le projet pour des raisons électoralistes. Québec solidaire, le Parti libéral du Québec et le Parti québécois réclament carrément que le gouvernement abandonne la construction des maisons des aînés, après avoir livré celles en développement.

Avec Alice Girard-Bossé, La Presse