Malgré la lumière jetée sur les mauvais traitements qu’ils ont subis pendant la pandémie, des aînés hébergés en CHSLD sont encore négligés. En octobre, 85 résidants du foyer privé Boisé Sainte-Thérèse, dans les Laurentides, ont été trouvés avec des plaies ou une altération de la peau à la suite d’un audit réalisé par le CISSS, a appris La Presse. À la demande du gouvernement, l’établissement a été mis sous tutelle pour une durée de six mois.

Selon nos informations, d’autres résidants portaient des lésions de grattage ou des infections aux ongles. Les besoins de nombreux aînés n’étaient également pas comblés.

Devant la situation, les admissions au CHSLD du Boisé Sainte-Thérèse, qui compte 159 résidants, ont été suspendues jusqu’à nouvel ordre.

Au cours des dernières semaines, des lacunes ont effectivement été constatées au CHSLD privé du Boisé Sainte-Thérèse, notamment au niveau des soins d’hygiène aux résidants, mais aussi à l’organisation générale du travail et à l’encadrement du personnel.

Valérie Maynard, porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides

Le CISSS des Laurentides a été mandaté par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) pour agir comme administrateur provisoire du CHSLD pendant 180 jours. Les résidants et leurs familles ont été informés et une rencontre avec les familles s’est déroulée le 7 novembre, a indiqué Mme Maynard.

Manque de transparence

« La situation est alarmante », déplore Philippe Landry, vice-président au Syndicat des travailleuses et travailleurs des centres d’hébergement des Laurentides. « Le département des soins était en train de s’effondrer, les résidants manquaient de soins et personne n’était au courant dans la bâtisse. Il n’y avait pas de programme mis en place ni de communication pour le personnel », dit-il.

Dans les dernières semaines, il avait eu vent de problèmes dans le volet clinique. « On entendait parler de certains soins qui ne se donnaient pas, mais ce n’était pas clair, car les cadres donnaient de l’information au compte-goutte à certaines personnes », dit M. Landry, qui travaille également à la maintenance et aux cuisines au CHSLD du Boisé.

« Ce n’est pas normal que ces choses-là se passent dans un CHSLD et que les employés ne le sachent pas. C’est soit un manque de communication ou un effort pour cacher la situation », affirme-t-il. « Quand il y a eu la mise sous tutelle, c’est là que la lumière s’est faite et qu’on a tous compris que les messages et la communication ne passaient pas. »

Des employés surpris

L’annonce de la mise sous tutelle de l’établissement a surpris de nombreux employés. « Je me disais voyons. Je n’avais rien vu de tout ça. Je ne suis pas en contact étroit avec les résidants, donc je n’avais rien remarqué. Je ne sais pas ce qui se passe dans les chambres », confie une employée du CHSLD qui ne fait pas partie de l’équipe des soins et qui a préféré taire son identité par peur de représailles.

Les familles des résidants, rencontrées par La Presse à la sortie de l’établissement, n’ont pas remarqué de situations problématiques. « Je trouve que [ma mère] a de très bons soins et les employés sont fins. Je ne me plains pas trop et je trouve ça bien », dit Line Cardinal, qui vient visiter sa mère tous les jours à l’heure du dîner.

« Je n’ai jamais observé de maltraitance, les employés font leur possible », renchérit un proche aidant qui s’occupe de son père au CHSLD depuis quatre ans.

Plus de stabilité

Depuis le 2 novembre, une équipe de gestionnaires du CISSS des Laurentides assure l’administration provisoire du CHSLD. Il s’agit du deuxième changement de direction en quelques mois.

C’est difficile pour les employés. Sur le plancher, on ne sait plus où se lancer. On comprend que c’est pour le mieux, mais on ne sait plus qui fait quoi. On est perdus.

Philippe Landry, vice-président au Syndicat des travailleuses et travailleurs des centres d’hébergement des Laurentides

Pour les prochains mois, M. Landry souhaite de la stabilité. « Pour nos résidants en dégénérescence cognitive, le plus important pour leur santé, c’est de la stabilité. Ça leur fait mal d’avoir des changements drastiques, des employés qui bougent et des gens instables. Ce n’est pas bon du tout », conclut-il.