Le nombre de cas d’ingestion de piles boutons chez les enfants est en hausse

Des enfants avalent de plus en plus souvent les piles boutons utilisées dans un nombre grandissant d’appareils ménagers. Or, ces piles, en forme de petit disque, sont des bombes à retardement lorsqu’elles sont activées par la salive dans l’œsophage. Des médecins sonnent l’alarme et exigent des règles plus strictes encadrant leur utilisation.

À l’Hôpital de Montréal pour enfants, les cas d’enfants qui ont accidentellement avalé des piles boutons ont triplé dans les dernières années. Entre 1991 et 2009, les urgences ont vu une moyenne de deux ou trois cas d’ingestion de pile bouton par année. Entre 2010 et 2022, la moyenne a bondi à 10 ou 11 cas par année.

« Ces piles sont partout », souligne Liane Fransblow, coordonnatrice en traumatologie à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Elles sont utilisées dans des télécommandes, des porte-clés, des lampes de poche, des balances, des chandelles sans flamme, des petits jouets et même dans des cartes de souhaits musicales, énumère-t-elle. « C’est un objet qui brille et ça attire les enfants. »

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Liane Fransblow, coordonnatrice en traumatologie à l’Hôpital de Montréal pour enfants

Ces piles, en apparence inoffensives, deviennent toutefois un véritable poison lorsqu’elles sont coincées dans l’œsophage. Activées par la salive, les piles émettent rapidement de la chaleur au point de brûler et de perforer l’œsophage de certains petits patients.

Devant la montée de cas, la Société canadienne de pédiatrie a demandé au gouvernement fédéral, la semaine dernière, que les produits nécessitant des piles boutons soient dotés d’un couvercle vissé. Elle a également exigé que les emballages de piles soient à l’épreuve des enfants.

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Des piles boutons

Le guide Mieux vivre, remis à chaque nouveau parent québécois, sera aussi mis à jour en 2023 pour inclure une nouvelle section sur les piles boutons.

Plus dangereuse qu’un clou

Au CHU Sainte-Justine, le DPrévost Jantchou s’est penché sur l’ingestion de corps étrangers par les enfants et les adolescents durant la pandémie.

Entre mars 2018 et février 2021, 609 enfants se sont présentés aux urgences de l’hôpital pédiatrique en raison de l’ingestion de corps étranger. Les piles boutons (11 %) arrivaient au deuxième rang des objets les plus souvent avalés par les patients, derrière les pièces de monnaie (25 %) et à égalité avec les petits jouets (11 %). Les bijoux (6 %) et les aimants (6 %) suivaient dans l’ordre.

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Le DPrévost Jantchou du CHU Sainte-Justine

« Évidemment, avaler un clou ou une vis, c’est dangereux parce que ça pique et c’est pointu. Mais les piles boutons, c’est encore plus dangereux », témoigne le DJantchou, pédiatre spécialisé en gastroentérologie au CHU Sainte-Justine.

Sur son compte TikTok, le très actif médecin a d’ailleurs publié une vidéo saisissante d’une pile bouton placée sur une tranche de jambon pour montrer l’impact de l’ingestion d’une batterie au lithium sur l’œsophage. Au bout de 20 minutes, le morceau de viande devient noir. Après quelques heures, un trou apparaît.

Consultez le TikTok du médecin

« Imaginez un steak sur un barbecue. C’est exactement ça que la pile fait sur la paroi muqueuse de l’œsophage. Elle brûle et laisse une marque noire », explique le DJantchou.

En cas d’œsophage perforé, le liquide bactérien de la bouche risque de traverser et d’infecter la région de la cage thoracique située entre les deux poumons et contenant le cœur, l’œsophage, la trachée et les deux bronches souches. Si la pile est en contact avec un vaisseau sanguin, elle risque de causer une importante hémorragie. « Imaginez si la pile est en contact avec l’aorte. Ça peut être fatal », résume le DJantchou.

« J’ai mal au ventre »

De tous les enfants admis aux urgences du CHU Sainte-Justine pour l’ingestion d’un corps étranger entre mars 2018 et février 2021, 75 % étaient âgés de 6 ans ou moins. Dans seulement 22,5 % des cas, une personne avait été témoin de l’ingestion.

Gnougon Coulibaly, elle, n’a rien vu lorsque son fils de 5 ans a ingéré une pile bouton, un après-midi de septembre. Quand son petit Kayzen lui a dit qu’il avait mal au ventre, elle ne s’est pas inquiétée outre mesure jusqu’à ce que, une ou deux heures plus tard, il lui confie enfin : « Maman, je pense que c’est parce que j’ai avalé une pile que j’ai mal au ventre. »

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Gnougon Coulibaly et son fils de 5 ans, Kayzen

J’ai paniqué ! Ce n’est pas le genre d’objet qu’on avale, qu’on laisse passer et qui s’évacue par les selles.

Gnougon Coulibaly, mère de Kayzen, 5 ans

La mère de famille a aussitôt contacté le Centre antipoison, qui l’a dirigée vers le CHU Sainte-Justine. Après une radiographie, Kayzen a été placé sous anesthésie générale et on lui a retiré la pile qui était coincée dans son œsophage.

« Le médecin m’a montré des photos de l’œsophage de Kayzen à la suite de l’extraction et ça avait commencé à brûler alentour de la batterie. Il m’a aussi montré la pile. C’est comme si elle avait rouillé. Elle n’était plus lisse comme quand on la sort d’un emballage. Elle avait commencé à se détériorer comme si elle fondait », explique Mme Coulibaly.

L’œsophage de Kayzen n’a pas été perforé et il devrait s’en sortir sans séquelles, mais avec une leçon de vie. Depuis l’incident, le petit bonhomme rassure chaque jour sa mère : « Maman, je n’ai rien mis dans ma bouche. Je te promets ! »

Que faire si un enfant avale une pile bouton ?

Un enfant qui avale une pile bouton doit rapidement être soigné dans un hôpital, puisque les piles peuvent provoquer de graves lésions tissulaires dans les deux heures suivant l’ingestion. « Si votre enfant est âgé de plus de 1 an, qu’il est toujours en mesure d’avaler et que l’incident s’est produit il y a moins de 12 heures, vous pouvez lui donner 2 cuillerées à thé de miel toutes les 10 minutes pour un maximum de 6 cuillerées à thé », recommande l’Hôpital de Montréal pour enfants. Le miel agit de façon protectrice sur la muqueuse de l’œsophage, un peu comme un pansement.

En savoir plus
  • 156
    Nombre de blessures mettant en cause des piles boutons qui ont été signalées au Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (SCHIRPT), en 2021. La surveillance des blessures par le SCHIRPT fonctionne dans 11 hôpitaux pédiatriques et 9 hôpitaux généraux au Canada.
    source : SCHIRPT
  • Loi Reese
    En août, le président américain, Joe Biden, a adopté une loi pour que les objets nécessitant des piles boutons soient dotés de compartiments à l’épreuve des enfants. Les fabricants ont toutefois un an pour se conformer à la loi baptisée en l’honneur de Reese Hamsmith, une fillette de 18 mois morte en décembre 2020, après avoir avalé la pile bouton d’une télécommande.
    source : The New York Times