Maintenant que les élections sont passées, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) lance un cri du cœur : le manque de ressources dans le réseau de la santé arrive à un point critique. Et ce sont d’abord et avant tout les patients qui en font les frais.

« En 30 ans de pratique, je n’ai jamais vu le réseau aussi mal en point », déclare d’emblée le DVincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, en entrevue avec La Presse.

Dans une lettre ouverte de la FMSQ, le DOliva ainsi que le DSerge Legault, vice-président de la FMSQ, dénoncent le manque d’organisation du réseau de la santé, les longues listes d’attente et le manque de ressources. Pas moins de 35 présidents des associations médicales affiliées soutiennent leurs propos.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le DSerge Legault, vice-président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

Les exemples ne manquent pas, affirment ensemble les associations. Selon elles, des médecins spécialistes se rendent fréquemment compte, le matin même, que l’horaire prévu est incomplet : « tests préopératoires non effectués à temps, annulations par manque de planification ou équipements manquants », détaillent les spécialistes dans la lettre.

Touché au premier chef, le patient apprend alors que son intervention devra être reportée, souvent, sans plus de détails.

Les patients ne savent pas combien de temps ça va prendre avant qu’ils obtiennent des soins, ce qui cause beaucoup d’anxiété et d’incertitudes.

Le DVincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, en entrevue avec La Presse

Il s’agit de l’une des nombreuses situations, parmi d’autres, que déplore la FMSQ. « Ça arrive trop souvent. Ça ne devrait pas arriver. Ce sont des choses qui sont prévisibles, qui découlent de notre capacité de nous organiser et de mieux gérer », dit-il.

Par ailleurs, les patients ne devraient pas avoir à attendre des mois pour obtenir leurs soins médicaux, estime-t-il. « Il ne devrait pas y en avoir des listes d’attente. C’est un concept qu’on accepte, mais il faut le remettre en question. Attendre 6, 12 ou 18 mois pour des opérations ou pour un rendez-vous, ça n’a pas de sens », déplore-t-il.

Des retards technologiques

Selon le DOliva, il faut reconnaître que le Québec accuse un retard technologique très important en santé. « Le patient devrait pouvoir se brancher sur une application qui indiquerait clairement quand est son rendez-vous », juge-t-il.

Un exemple : la plateforme Dossier santé Québec (DSQ) gagnerait grandement à être améliorée. « C’est compliqué, on a de la difficulté à se brancher », relate-t-il, ajoutant que les patients finissent souvent par devoir aller chercher eux-mêmes les résultats de leurs examens médicaux.

Dans la lettre ouverte, les spécialistes déplorent aussi que certains patients, « en plus du choc lié à l’annonce d’un diagnostic de cancer », soient contraints de faire eux-mêmes les requêtes aux archives d’un hôpital pour faciliter l’accès à leur dossier médical intégral.

Il a toutefois bon espoir que le Québec pourra rattraper son retard. « La médecine, dans 10 ans, va se pratiquer de façon complètement différente », dit-il, faisant référence notamment à la place grandissante de la technologie, de la télémédecine et de l’intelligence artificielle. Mais pour que ce changement puisse s’opérer, « il faut être ouvert aux idées et aux nouvelles façons de faire », soutient-il.

Manque d’humanité

Selon le président, la déshumanisation des soins est bien réelle, surtout dans les secteurs médicaux particulièrement surchargés comme les urgences. « C’est difficile d’être humain, quand les patients sont dans le corridor. On a beau être gentil, ce n’est pas acceptable », dit-il.

Quand ça fait quatre fois qu’on dit au patient que l’on reporte son opération, c’est difficile d’être humain.

Le DVincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, en entrevue avec La Presse

Les médecins spécialistes le clament d’ailleurs haut et fort : « On ne s’habitue pas à cette déshumanisation. » « Les professionnels de la santé n’ont pas été formés pour observer un patient portant le fardeau de naviguer et de se perdre dans un système censé prendre soin de lui. Un patient qui a bien d’autres préoccupations que de se dépêtrer dans un dédale de boîtes vocales. Un patient qu’on veut, d’abord et avant tout, soigner », déclarent-ils dans la lettre.

Le DOliva lance un message au gouvernement : il faut que l’accent soit mis sur les patients. « Si le patient est content, c’est que le réseau va bien », conclut-il.

Lisez la lettre ouverte de la FMSQ