La fermeture des urgences du CLSC de Senneterre, en Abitibi-Témiscamingue, n’est « pas en jeu » dans la mort de Richard Genest, survenue en décembre dernier, conclut un rapport du coroner paru mardi. La position vient ainsi appuyer celle du CISSS, qui maintenait que la mort du sexagénaire n’aurait pu être évitée.

Dans sa décision, MGeneviève Thériault indique en effet que « la fermeture partielle du CSLC de Senneterre, les services d’appel d’urgence, les services ambulanciers, les protocoles préhospitaliers et les corridors de transport ne sont pas en jeu dans ce décès ».

« C’est plutôt le fait que M. Genest ait attendu si longtemps avant de recourir à de l’aide qui lui a été fatal étant donné la condition médicale en jeu dont il n’était malheureusement pas conscient. Son décès, quant à lui, est attribuable au choc hypovolémique secondaire à la rupture d’un anévrisme de l’aorte abdominale. […] Il s’agit d’une mort naturelle », ajoute la coroner.

En décembre dernier, le drame avait semé l’indignation à Québec, au moment où les partis de l’opposition avaient dénoncé à plusieurs reprises la fermeture des urgences du CLSC de Senneterre. Le service était alors fermé 16 heures par jour depuis la mi-octobre, en raison de la pénurie de main-d’œuvre. M. Genest, qui habite à une dizaine de minutes à pied des installations de Senneterre, n’a donc pu s’y rendre dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre.

Selon les informations qui avaient été rapportées, l’homme avait attendu les secours pendant plus de deux heures avant d’être pris « en charge correctement » à l’hôpital de Val-d’Or, ce qui inclut un délai d’attente de 1 h 10 min pour l’arrivée du service ambulancier. Une fois à Val-d’Or, la détérioration de son état de santé a forcé un nouveau transfert vers l’hôpital d’Amos, qui se situe à plus de 70 kilomètres, pour qu’il y subisse une intervention chirurgicale. Il est mort dans l’ascenseur de l’hôpital d’Amos.

« La même chose serait arrivée »

À plusieurs reprises dans son rapport, la coroner Thériault se demande si M. Genest aurait pu « être sauvé si les corridors ambulanciers de la région administrative de l’Abitibi-Témiscamingue avaient permis aux paramédics de Barraute » de le transporter directement à l’hôpital d’Amos.

« L’état de conscience et les signes vitaux de M. Genest se sont détériorés pendant son transport vers l’Hôpital et centre de réadaptation en dépendance de Val-d’Or. La même chose serait arrivée si M. Genest avait été en route vers l’hôpital d’Amos », note-t-elle toutefois à cet effet.

Elle précise aussi que « même si le service d’urgence du CLSC de Senneterre était fermé à partir de 16 h le jour de l’évènement, un service ambulancier demeurait disponible et aurait pu être appelé plus tôt ». « Il y avait deux véhicules ambulanciers disponibles jusqu’à 20 h », insiste encore la coroner.

À ses yeux, le délai avant l’arrivée de l’ambulance « est le résultat d’un malheureux concours de circonstances qui a fait en sorte que le seul véhicule de la zone de Senneterre était déjà en route vers Val-d’Or avec une autre patiente avant que M. Genest appelle le 911 ».

« M. Genest se serait-il présenté au CLSC entre 16 h et 2 h 38 s’il avait été ouvert ? Peut-être, mais personne ne peut réellement répondre à cette question », avoue toutefois la juriste, en reconnaissant que « dans le scénario idéal, le médecin du CLSC aurait communiqué avec le chirurgien vasculaire de l’hôpital d’Amos pour discuter des signes et symptômes observés et demander une consultation ». Le chirurgien aurait ensuite « accepté de voir M. Genest en urgence », et l’homme aurait été transféré en ambulance du CLSC à l’hôpital d’Amos pour passer une écographie, voire subir une intervention chirurgicale.

À l’origine, le Bureau du coroner avait choisi de ne pas faire enquête dans ce dossier, mais au vu de la controverse qu’il avait soulevée dans la population, l’organisme était revenu sur sa décision.

En fin de compte, la conclusion se rapproche énormément de celle du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue (CISSSAT). « C’est une condition pathologique avec un faible niveau de survie même si tout était en place, même si les évènements s’étaient passés en milieu urbain », disait en décembre le directeur des services professionnels du CISSSAT, François Aumond, en jurant avoir procédé à une « vérification diligente » de la séquence des évènements.

Avec Fanny Lévesque et Tommy Chouinard, La Presse