De nombreux acteurs du milieu de la santé ont salué le plan de rétablissement du système de santé déposé mardi par le ministre Christian Dubé. Par contre, certains expriment des craintes que ces mesures finissent par ne pas être réalisées.

L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec s’est réjoui que plusieurs des mesures annoncées, comme la fin du temps supplémentaire obligatoire, « visent à améliorer les conditions d’exercice des infirmières et infirmiers et à permettre de recourir davantage à leur expertise ».

Il faut d’abord « revoir l’organisation du travail pour favoriser un recours optimal à l’expertise infirmière, offrir un meilleur soutien clinique, ainsi que rehausser la formation initiale et bonifier l’offre de formation continue », a soutenu le président de l’Ordre, Luc Mathieu.

Les infirmières ne sont pas les seules à anticiper des responsabilités accrues : les pharmaciens et les ambulanciers aussi verront leurs tâches élargies.

« La pandémie a démontré la capacité des pharmaciens à mettre à contribution leurs nouvelles activités professionnelles, comme la vaccination, l’ajustement et la prolongation d’ordonnances », a fait valoir le président de l’Ordre des pharmaciens du Québec, Bertrand Bolduc.

Il a aussi signifié son approbation à la centralisation de l’information et à la modernisation des systèmes de communication annoncées par le ministre.

Dans la même veine, la Corporation des services d’ambulance du Québec (CSAQ) voit aussi d’un bon œil l’élargissement des tâches. « Quand on sait que la majorité des appels d’urgence sont des appels de basse priorité, le ministre Dubé a raison de vouloir compter sur la contribution des paramédics pour améliorer l’accès à la première ligne en élargissant leur rôle », a indiqué le Dr Sébastien Toussaint, président de la Corporation.

La possibilité de traiter des patients chez eux ou de les emmener en clinique plutôt qu’à l’urgence pourra selon lui désengorger les hôpitaux.

Cette opinion est partagée par l’Association des spécialistes en médecine d’urgence, qui « salue les mesures pour renforcer la première ligne, que ce soit en matière de médecine familiale ou de modernisation des services préhospitaliers et d’un rôle accru des infirmières praticiennes spécialisées. Ces intervenants, en plus des soins à domicile, jouent un rôle crucial pour éviter que le seul recours des patients soit l’urgence. »

Actions concrètes

« Est-ce qu’encore une fois on est dans les belles paroles ? », s’est demandé le président de la Centrale des syndicats du Québec, Éric Gingras, dans une entrevue téléphonique, rappelant que le Québec est en contexte préélectoral.

Il a qualifié le plan d’« ambitieux » et de « positif », mais a rappelé que « ce n’est pas la première fois que l’on a des conférences de presse » qui promettent du changement.

De son côté, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) « ne voit pas comment (M. Dubé) va réaliser son virage en raison du sous-financement de son plan santé ».

L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), elle, invite « le ministre à poser d’ores et déjà un premier geste concret en mettant en place dès maintenant une série de solutions pour attirer et retenir le personnel. Il ne doit pas attendre cinq ans pour agir ! »

Le privé divise

Plusieurs représentants du privé se sont réjouis de la volonté du gouvernement de créer plus de partenariats avec leur secteur. Le Conseil des entreprises privées en santé et mieux-être a affirmé que « l’amélioration de l’accès aux soins de santé pour les Québécois passe par une collaboration accrue entre le secteur public et privé, et ce, sans affecter l’universalité et la gratuité des services ».

« Depuis de nombreuses années, le constat est clair : le secteur privé tend à permettre une diversification de l’offre, un accès accru aux soins et une réduction des temps d’attente menant à une diminution de l’engorgement dans le secteur public », a dit Charles Milliard, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Mais chez les syndicats, on regarde cette tendance avec méfiance.

« On manque déjà de personnel dans le secteur public, ce sera pire si le privé embauche davantage. Cela aura pour effet d’accentuer la création d’un système à deux vitesses où l’accessibilité à des soins et des services partout sur le territoire est déjà remise en question », a fait valoir l’APTS, qui réclame « un moratoire sur tout nouveau projet de privatisation »

« Détourner les fonds publics pour favoriser le privé n’est pas la meilleure des idées […]. Tout cet argent doit plutôt être consacré à améliorer les services publics tout en investissant pour l’attraction et la rétention du personnel en bonifiant les conditions d’exercice d’emplois et de rémunération », a de son côté affirmé le président de la FTQ, Daniel Boyer.

M. Gingras, lui, a mis en garde que l’implication du privé ne devait pas remettre en question l’universalité des soins.

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.