(Montréal) Un médecin vient d’être sanctionné pour avoir tenté d’obtenir, auprès d’une centaine de ses patients, des informations médicales sur un juge qui avait tranché un litige le concernant.

Il avait « développé une petite armée de chercheurs », rapporte le Conseil de discipline de l’Ordre des médecins du Québec.

Il a donc imposé au Dr Mario Giroux, un chirurgien orthopédique, une radiation temporaire de trois mois pour ses actes « dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession ». La décision a été rendue au début du mois.

Pour le Conseil de discipline, cette décision envoie un message sur l’importance de la confidentialité de toute information relative à un patient.

Dans sa décision précédente, celle prononçant en mai dernier la culpabilité du médecin, le Conseil a écrit qu’il « a mêlé sa profession et ses patients à son combat personnel ».

Ce juge avait entendu et tranché une cause civile au sujet d’un règlement de pratique, opposant le Dr Giroux à un hôpital québécois, peut-on lire dans la décision. La décision de ce juge a été défavorable au Dr Giroux, mais elle avait ensuite été cassée en appel, en faveur du médecin.

Or, le Dr Giroux croyait que le juge en question était soigné dans ce même hôpital avec lequel il a eu un litige.

Il s’est alors posé des questions sur l’impartialité du juge à entendre sa cause, est-il rapporté dans la décision disciplinaire. Devant la Cour d’appel, il avait même demandé la permission d’interroger des médecins de cet hôpital, afin d’établir qu’ils sont ceux qui soignaient le juge, « espérant ainsi démontrer l’existence d’une cause de récusation chez ce dernier ».

Le Dr Giroux a questionné ses patients, en marge de leurs consultations médicales, pour découvrir des informations relativement aux problèmes de santé du magistrat.

Plusieurs de ses patients ont collaboré (entre 15 et 25 selon le chirurgien, tel que rapporté dans le jugement de la Cour d’appel) et lui auraient fourni de l’information.

On peut aussi lire dans la décision disciplinaire prononçant sa culpabilité que le chirurgien n’avait aucune raison médicale pour demander ces renseignements : il cherchait à se constituer une base de données sur le magistrat, pour ses fins personnelles. Il n’a toutefois pas consulté le dossier médical du juge.

Il a le droit de se poser des questions sur l’impartialité du juge, écrit le Conseil de discipline, mais « sa façon de s’y prendre constitue de l’intrusion non seulement chez un patient qui n’est pas le sien, mais également auprès de ses propres patients, auprès de qui il a développé une petite armée de chercheurs ».

Le médecin a été reconnu coupable en mai dernier.

La sanction

La finalité du droit disciplinaire est de trouver une sanction juste afin d’assurer la protection du public, en ayant un effet de dissuasion sur le professionnel et d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés d’agir de la sorte, sans empêcher indûment le professionnel d’exercer sa profession, est-il rappelé dans la décision rendue le 5 février.

Le Conseil estime que les infractions commises ici sont « graves et sérieuses ».

Car « elles mettent en cause la confidentialité de toutes les informations concernant les patients auxquelles un médecin a accès dans l’exercice de sa profession ».

« Les gestes posés par l’intimé (Dr Giroux) portent ombrage à l’ensemble de la profession » médicale, et affectent également la confiance du public envers celle-ci.

En évaluant la sanction juste à imposer au médecin, le Conseil note son « peu d’introspection » et le fait qu’il ne reconnaît pas sa faute.

Le Dr Giroux a toutefois assuré qu’il fera plus attention lorsqu’il parle à ses patients, et que cette situation ne se reproduira plus jamais dans son bureau. Il a aussi signalé qu’il n’a aucun dossier disciplinaire antérieur et a plaidé qu’il avait suffisamment souffert de la médiatisation de l’affaire.

Après avoir évalué la jurisprudence, le Conseil de discipline en retient que la confidentialité des informations contenues au dossier d’un patient est « primordiale » et qu’elle doit être préservée à tout prix. C’est pourquoi, peu importe la raison de cette consultation, les conseils de discipline n’hésitent pas à imposer des sanctions sévères de la nature de périodes de radiation de plusieurs mois aussitôt qu’il est question d’une intrusion, sans autorisation et sans raison médicale, dans le dossier d’un patient qui n’est pas celui du médecin consultant le dossier, note-t-il.

Le Conseil en arrive donc à la conclusion qu’une radiation temporaire de trois mois est appropriée.

La radiation sera effective à compter du 13 mars, s’il n’y a pas appel, indique le Collège des médecins.