Avec le vieillissement de la population qui s’accélère, c’est un véritable « tsunami démographique » qui s’abattra sur le Québec dans les 10 prochaines années. Sans une « révolution culturelle » immédiate axée sur les soins à domicile, la province « frappera un mur », peut-on lire dans une étude d’Alain Dubuc publiée jeudi par l’Institut du Québec.

Ancien chroniqueur de La Presse aujourd’hui conseiller stratégique à l’Institut du Québec (IDQ), Alain Dubuc estime que le Québec traite depuis des années la question des soins aux aînés « comme il traite les infrastructures souterraines », « c’est-à-dire que ce n’est pas visible, ça ne frappe pas autant l’imagination que les questions d’urgences, donc on a balayé ça sous le tapis ».

La proportion de personnes âgées de 65 ans et plus au Québec atteint actuellement 20 % et passera à 25,4 % dans 10 ans, peut-on lire dans l’étude de l’IDQ, qui se décrit comme un « organisme à but non lucratif qui publie des recherches et des études sur les enjeux socioéconomiques contemporains du Québec ». Pendant ce temps, les personnes âgées de 75 ans et plus passeront de 8,8 % de la population à 12,6 %. « Ce qui est terrible, c’est que c’est quelque chose qu’on ne pouvait pas ne pas savoir. Il n’y a rien de plus prévisible que de la démographie quand ça porte sur des gens déjà nés. Il y a quelque chose de désolant à ce que, sachant ça […], on ait si peu fait », dit M. Dubuc.

Engouement pour l’hébergement

En comparaison des autres provinces canadiennes, « le Québec se distingue par la proportion élevée de personnes âgées vivant en logement collectif », indique l’étude intitulée Soins à domicile : le statu quo ne sera plus possible. Dans la province, 9,4 % des aînés de 65 ans et plus vivent en logement collectif, contre 6,8 % au Canada. Un écart qui s’explique notamment par la forte popularité des résidences privées pour aînés : au Québec, 5 % des 65 ans y vivent, contre 2,8 % au Canada.

Près des trois quarts des fonds destinés au soutien à l’autonomie des personnes âgées sont consacrés à l’hébergement au Québec, peut-on lire dans l’étude. M. Dubuc constate que les récents gouvernements réinvestissent en soins à domicile. Le gouvernement Legault a par exemple investi 750 millions de dollars sur cinq ans dans ce secteur.

Mais la côte reste abrupte à remonter, selon l’auteur. Alors que le Québec comptait 154,8 utilisateurs de soins à domicile par 1000 personnes de 65 ans et plus en 2008-2009, cette proportion a chuté à 113,8 en 2019-2020.

Pour M. Dubuc, les initiatives actuelles en soins à domicile « ne s’inscrivent pas dans un projet planifié et structuré ». « Si on continue comme ça, même en ajoutant quelques centaines de millions par année, on va arriver à une impasse », dit-il.

Parmi les solutions proposées, M. Dubuc évoque l’assurance autonomie, un projet cher à l’ancien ministre Réjean Hébert, qui permettrait de « définir le type et la quantité de soins dont une personne a besoin, et de lui garantir un nombre d’heures de services ou une allocation financière pour acheter les services ». Il propose aussi la création de guichets uniques, qui permettrait de faciliter et d’uniformiser l’accès aux soins à domicile. Pour M. Dubuc, cette véritable « révolution » que doit opérer le Québec dans ses soins aux aînés exigera des investissements colossaux, mais doit devenir un « projet collectif ».