(Montréal) Des infirmières récemment diplômées et des étudiantes disent que les mauvaises conditions de travail dans le système public les poussent vers le privé.

Cette situation n’aidera pas à résoudre le sérieux problème du manque d’infirmières dans les hôpitaux québécois.

Âgée de 27 ans, Audrey-Ann Bissonnette-Clermont est l’une d’entre elles. La co-fondatrice de l’Association étudiante en sciences infirmières du Québec a travaillé dans une salle d’urgence avant de se lancer dans la télémédecine pour une entreprise privée.

Selon elle, la pandémie a été difficile pour les aspirantes infirmières du Québec, car les stages ont été annulés. Et plusieurs infirmières en formation n’ont pu obtenir des congés pour étudier.

Résultat : les jeunes et même les étudiantes désertent le système public, préférant travailler pour l’entreprise privée où elles auront un meilleur salaire tout en ayant un meilleur contrôle de leur horaire.

« Ce qu’on voit beaucoup, ce sont de nouvelles infirmières qui tombent en épuisement professionnel et en arrêt de travail après cinq ou six mois de travail, même dans un milieu où elles souhaitaient travailler, dit Mme Bissonnette-Clermont. Il n’est pas normal qu’on tombe en épuisement professionnel après quelques mois à un premier emploi. Cela devrait sonner une cloche d’alarme pour les gestionnaires et le gouvernement. »

Fraîchement diplômée, Béatrice Landry-Belleau, dit que ses expériences pendant la pandémie ont renforcé sa décision de travailler dans les soins de santé de première ligne, mais pas dans un milieu hospitalier.

Elle explique qu’un veut trouver un équilibre entre son travail et sa vie. Ne pas pouvoir refuser de faire des heures supplémentaires en milieu hospitalier l’inquiète.

« Il m’est très difficile de comprendre comment on peut aller travailler sans savoir quand on pourra rentrer chez soi », lance-t-elle. La jeune femme dit qu’elle accepterait de travailler dans une clinique pour les jeunes ou pour les réfugiés et serait prête à gérer une coopérative.

Selon la présidente de l’Association des infirmières et infirmiers du Québec, la situation à laquelle les nouvelles infirmières ont été confrontées pendant la pandémie fait partie d’un problème plus large sur la façon dont l’ensemble de la profession est traitée dans la province.

« C’est démoralisant pour les étudiantes en soins infirmiers d’entreprendre des stages et des rotations cliniques où ils voient des heures supplémentaires forcées, de la violence, des charges de travail insupportables, dit Nathalie Stake-Doucet. On nous appelle des héroïnes, mais cela ne se reflète pas du tout dans la façon dont nous sommes traités au travail. »

Mais ce ne sont pas seulement les jeunes qui font ce choix, ajoute-t-elle. Les heures supplémentaires obligatoires et l’annulation des vacances ont chassé bon nombre d’infirmières de la profession.

« Les infirmières doivent pouvoir avoir une vie, dit-elle. Nous ne sommes plus des religieuses. Quand on devient infirmière, on n’a pas l’intention de vivre à l’hôpital. On veut toujours une famille, des amis, une vie normale et un travail. »

Mme Skate-Doucet juge qu’il existe un nombre suffisant d’infirmières au Québec, mais elle constate qu’elles ne veulent pas travailler dans le système public.

En fait, il y a en a assez d’infirmières, mais nous ne faisons rien pour les attirer et les retenir dans le système de santé public.

Nathalie Stake-Doucet, infirmière

Une attachée politique du ministre de la Santé, Rébecca Guénard-Chouinard, défend le gouvernement en affirmant que celui-ci est fier des mesures prises pour limiter « l’exode » vers le secteur privé.

« Notre gouvernement réitère son engagement à offrir des conditions de travail attrayantes aux travailleuses de la santé du secteur public. Nous poursuivons ce travail, partout au Québec », assure-t-elle, ajoutant que le gouvernement continuera de réduire son recours aux agences de placement.

Selon Mme Guénard-Chouinard, les récents accords de principe avec les différents syndicats d’infirmières amélioreront les conditions de travail en réduisant les heures supplémentaires, en amenant du renfort de personnel et en augmentant les salaires.

Cette dépêche a été produite avec l’aide financière des Bourses de Facebook et de La Presse Canadienne pour les Nouvelles.