Manque de personnel, soins d’hygiène insatisfaisants, tenue de dossiers déficiente : de problèmes persistants ont été constatés à la ressource intermédiaire (RI) Résidence des Bâtisseurs de Matane, souligne le rapport d’enquête rendu public lundi.

Le rapport a été remis au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) du Bas-Saint-Laurent le 30 octobre dernier, alors que la RI n’avait pas encore été touchée par une éclosion de COVID-19. Celle-ci est apparue quelques jours plus tard, le 3 novembre, et a duré un bon mois. Presque tous les résidents de la RI, soit 22 sur 23, ont contracté la maladie, et trois en sont décédés. Quarante-quatre cas aussi été recensés dans la partie résidence pour aînés (RPA) des Bâtisseurs, dont trois décès. De plus, 21 travailleurs et trois proches aidants ont été infectés.

Le bilan de la RI aurait-il été moins lourd si sa situation de départ avait été mois problématique ? « C’est difficile de faire une corrélation », a répondu le directeur de la qualité du CISSS, Gino Beaudoin, en entrevue à La Presse. « Par contre, on voyait le manque de formation des employés, la pénurie de personnel, la main-d’œuvre indépendante », a indiqué M. Beaudoin en évoquant la cogestion d’un mois mise en place par le CISSS au début de l’éclosion. « Ça nous a permis de voir et de corriger beaucoup d’éléments. »

Le rapport du 30 octobre a finalement été rendu disponible dans un avis aux médias ce lundi, à la demande du ministère de la Santé. Les deux travailleuses sociales mandatées par le CISSS ont noté de très nombreuses lacunes.

« Au cours de l’enquête, il fut observé qu’un usager circulait dans le corridor sans son pantalon et cherchait une infirmière pour refaire son pansement », racontent-elles dans leur rapport de 28 pages bien tassées. « Au même moment, un autre usager mentionne avoir de la difficulté à respirer […] Deux usagers demandent si nous passons la nuit avec eux. »,

L’établissement avait fait l’objet d’un premier dossier d’intervention il y a près de deux ans, en mars 2019, de la part de la commissaire aux plaintes et la qualité des services du CISSS. Son premier rapport, déposé quatre mois plus tard, avait conclu que les droits des usagers n’étaient pas respectés. Devant les problèmes qui perduraient malgré les interventions du CISSS, celui-ci a commandé une enquête administrative le 3 septembre dernier.

Les soins d’hygiène apportés aux résidents, le lavage de leurs vêtements ainsi que la mise à jour et la disponibilité des informations contenues dans leurs dossiers font l’objet de nombreuses critiques. Le manque de personnel est cité à maintes reprises.

Sur une centaine de journées, du 28 juin au 3 octobre 2020, le nombre d’employés visés pour répondre aux besoins des usagers n’était pas suffisant durant 63 % des quarts de nuits, 60 % des quarts de jour et 37 % des quarts de soir.

Dans près de 80 % des cas, le délai de réponse à la cloche d’appel a dépassé la cible de 4 minutes, montre les relevés de juillet à octobre derniers. « Dans 19 % des cas, les usagers n’ont jamais eu de réponse », ajoute le rapport.

Outre les problèmes récurrents relevés sur les lieux et en interrogeant des résidents, des familles et des employés, les enquêtrices signalent « une problématique majeure dans les relations entre la ressource et le CISSS ». Les gestionnaires de la RI ont notamment dénoncé le fait que le CISSSS leur avait prêté des employés pour les retirer à moins d’une semaine d’avis.

L’entente entre le CISSS et la RI a été renouvelée pour trois ans en 2019, mais compte tenu des conclusions de l’enquête administrative, il aurait été possible d’y mettre fin, a fait savoir le CISSS. « Pour l’instant, les correctifs mis en place par les Bâtisseurs rassurent le CISSS », a précisé un porte-parole par courriel.

« Clairement, pendant une période, les services prodigués à l’unité RI de notre résidence de Matane n’ont pas été à la hauteur de nos standards en matière de soins offerts à nos résidents. J’en suis profondément désolé », a déclaré le PDG du Groupe des Bâtisseurs, Sébastien Gauthier, dans un communiqué lundi. Le groupe a entrepris d’améliorer ses pratiques « depuis plusieurs mois déjà », a-t-il souligné.

Un nouveau plan d’action sera complété cette semaine, a précisé le CISSS.