La Cour supérieure du Québec accorde au gouvernement fédéral les quatre mois supplémentaires qu’il a demandés pour avoir le temps de faire adopter son projet de loi sur l’aide médicale à mourir.

En septembre dernier, la juge Christine Baudouin avait invalidé, et déclaré inconstitutionnel, un critère de la législation fédérale sur l’aide médicale à mourir. Elle avait fait de même avec une exigence de la Loi québécoise concernant les soins de fin de vie. Elle abolissait ainsi les critères exigeant que les citoyens soient en fin de vie, ou que leur mort soit raisonnablement prévisible, afin de pouvoir demander l’aide médicale à mourir.

Ce faisant, la juge avait ouvert l’aide médicale à mourir à un plus grand nombre de personnes, comme Jean Truchon et Nicole Gladu, ces deux Québécois atteints de graves maladies dégénératives incurables, qui ont mené cette bataille juridique au cours des dernières années.

La juge Baudouin avait toutefois suspendu la déclaration d’invalidité pour six mois, afin de laisser du temps à Québec et à Ottawa pour se conformer à son jugement et modifier leurs lois. Et cela, avant qu’elles ne deviennent « nulles et sans effet ».

Ce délai devait venir à échéance le 11 mars.

Mais Ottawa a expliqué ne pas avoir eu le temps. Il y a eu une élection fédérale à l’automne, ce qui a suspendu le Parlement, a notamment fait valoir en Cour son avocat, Me David Lucas.

Personne ne s’était opposé à la demande d’Ottawa.

De plus, le gouvernement fédéral a montré qu’il n’avait pas chômé : il a mené une consultation auprès de la population et même déposé un projet de loi lundi dernier. Cela démontre sa « diligence », souligne la juge.

« Il est opportun que le gouvernement puisse véritablement bénéficier d’une période effective totale de travail de six mois, afin de lui permettre d’apporter une réponse adéquate à une question qui interpelle toujours la société canadienne. En ce sens, le Tribunal réitère l’importance du rôle du législateur en matière de politique sociale et la nécessité de favoriser un travail de consultation et de coordination avec les législatures provinciales et les territoires. »

Dans sa décision rendue lundi, la juge accorde ainsi à Ottawa jusqu’au 11 juillet 2020. Dans l’intervalle, la législation fédérale demeure en vigueur.

Lors de l’audition de la demande du Procureur général du Canada devant le tribunal mardi dernier, la juge Baudouin s’était inquiétée pour les gens qui « éprouvent au quotidien des souffrances intolérables » et qui attendaient le 11 mars afin de pouvoir demander à leur médecin de les aider à mettre fin à leurs jours. Accorder quatre mois supplémentaires à Ottawa retarde pour eux encore cette possibilité, avait-elle souligné.

Dans son jugement de lundi, la magistrate accorde ainsi la possibilité aux personnes qui satisfont aux autres exigences de la loi, mais dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, de s’adresser au tribunal compétent afin de demander l’aide médicale à mourir durant cette période.

Cette avenue avait été suggérée par Me Jean-Pierre Ménard, l’avocat de Mme Gladu et de M. Truchon.

« C’est la situation qui serait la moins préjudiciable pour les patients », a-t-il soumis à la magistrate, soulignant qu’il trouvait un peu longue la période demandée de quatre mois.

Ses clients avaient déjà obtenu cette possibilité, que leur avait accordée la juge Baudouin dans son jugement de septembre 2019. Pour les quatre prochains mois, d’autres pourront aussi bénéficier de cette exemption.

« L’aide médicale à mourir est un sujet complexe et très personnel pour beaucoup de Canadiens au pays », a réagi dans un courriel le bureau du ministre de la Justice, David Lametti, qui se dit impatient de voir le débat parlementaire qui aura lieu au sujet de son projet de loi C-7 sur l’aide médicale à mourir.