(Montréal) Les antidépresseurs prescrits aux femmes enceintes semblent interagir avec l’enzyme de synthèse des oestrogènes, l’aromatase, démontre une étude publiée récemment par des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique.

Il s’agit d’une percée importante, car la production d’oestrogène est essentielle au développement de l’enfant et à l’adaptation physiologique de la mère au cours de la grossesse.

« La dépression de grossesse est vraiment un problème de santé publique et un gros problème pour les femmes enceintes, a expliqué la professeure Cathy Vaillancourt. Ça représente plus de 10 % [des femmes enceintes]. Et les femmes qui étaient dépressives avant de tomber enceintes, si elles arrêtent le médicament, elles vont avoir une rechute dans 75 % des cas. »

La prescription d’antidépresseurs chez les femmes enceintes est controversée. Des études montrent que l’administration de certains de ces traitements chez la mère pendant la grossesse serait associée à un risque de malformations cardiaques et pulmonaires chez le nouveau-né. D’autres antidépresseurs pourraient entraîner des troubles de développement cognitif chez l’enfant, comme l’autisme.

L’effet nocif des antidépresseurs viendrait de leur interaction avec certaines hormones clés présentes dans notre corps. La majorité des médicaments contre la dépression prescrits aux femmes enceintes ciblent la sérotonine, une hormone produite à la fois dans le cerveau et dans le placenta.

« Les antidépresseurs sont utilisés, mais ça reste pour les médecins-cliniciens et les obstétriciens, qu’est-ce qui est le mieux ? Donner un médicament ou rien donner ? Il n’y a pas de médicaments qui sont safe à 100 % », a résumé Mme Vaillancourt.

Les chercheurs ont testé l’effet de différents types d’antidépresseurs sur des échantillons de placenta récupérés après l’accouchement. Certains indices les ont incités à examiner d’un peu plus près l’effet de ces molécules sur l’oestrogène.

« Ça a été la découverte d’André-Anne Hudon-Thibault, la découverte majeure de sa thèse de doctorat, qui a montré que les antidépresseurs vont avoir aussi une action sur l’enzyme de synthèse de l’oestrogène, donc ils vont affecter la production d’oestrogène au niveau placentaire, et pas seulement la sérotonine », a expliqué Mme Vaillancourt.

Tous les antidépresseurs n’auront pas nécessairement un effet nocif. Certaines molécules pourront avoir une interaction moindre avec l’oestrogène, et donc être moins dommageables pour le développement du fœtus.

Les travaux de la professeure Vaillancourt et ses collègues pourraient permettre de mieux choisir le type d’antidépresseur et la dose à utiliser chez les femmes enceintes, en minimisant les effets secondaires sur le déroulement de la grossesse et sur le développement du fœtus.

« Si tu n’as pas de placenta en santé, tu n’as pas de bébé en santé, et c’est la première place où on doit essayer de voir si des médicaments ont des impacts », a dit Mme Vaillancourt.

Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue The Journal of Steroid Biochemistry and Molecular Biology.