(Québec) Le gouvernement Legault réduira les tarifs de stationnement dans les hôpitaux, un répit pour les malades et leurs proches qui pourrait représenter jusqu’à 150 millions par année. La mesure sera comprise dans le « mini-budget » du ministre des Finances Eric Girard attendu le 7 novembre.

Au cours des dernières semaines, des fonctionnaires ont été mandatés pour soumettre des scénarios de réduction à la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann. Quatre options ont été mises sur la table. Il s’agit de concrétiser en tout, ou en partie dans un premier temps, la promesse de la Coalition avenir Québec (CAQ) : la gratuité pour les deux premières heures de stationnement et un plafond entre 7 $ et 10 $ par jour selon les régions.

Une source impliquée dans le dossier a confirmé que l’enjeu de la baisse des tarifs de stationnement serait réglé avant Noël.

Enfin, dira-t-on. Car dans l’opposition, la CAQ avait talonné le gouvernement Couillard au sujet de la tarification actuelle, « injuste et abusive ». Ainsi, « 24 $ par jour dans 6 hôpitaux de Montréal et 10 $ ou plus par jour dans 30 hôpitaux du Québec : voilà les tarifs quotidiens tolérés par le gouvernement libéral en date du mois de mars 2018 », dénonçait le porte-parole en matière de santé François Paradis, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale.

La CAQ n’avait jamais chiffré son engagement et ne l’avait d’ailleurs pas inclus dans son cadre financier présenté en campagne. Le gouvernement a maintenant une estimation des coûts : autour de 150 millions de dollars par année si on applique la promesse intégralement.

Dans la machine administrative, rien ne se perd, rien ne se crée et tout se transforme : ainsi, vers la fin du mandat du gouvernement Couillard, les fonctionnaires avaient aussi élaboré des scénarios de réduction des tarifs, établissant la facture entre 75 et 150 millions selon le cas. Le Ministère travaillait alors sur la gratuité dans le cas des CHSLD, un plafond réduit pour les hôpitaux et une modulation du tarif selon la condition des patients afin de tenir compte de ceux qui doivent recevoir des traitements sur une base régulière.

L’État verserait une compensation aux hôpitaux afin de couvrir la perte de revenus. Les établissements font des surplus d’environ 70 millions par année avec leur stationnement, selon un relevé publié l’an dernier. Ils remettent bien souvent la cagnotte à leur fondation. Le gouvernement ne veut pas priver les fondations de ces millions, raison justifiant une compensation.

Engagement phare

La CAQ avait fait tout un tapage sur cet enjeu au cours des dernières années, allant jusqu’à créer un site web pour dénoncer les « tickets de Barrette ». Ce n’est pas étonnant que les partis de l’opposition l’aient rappelé à son engagement à l’Assemblée nationale récemment, au moment où le gouvernement Legault souffle sa première bougie.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le député libéral André Fortin, porte-parole en matière de santé

Alors qu’ils étaient dans l’opposition, la question des frais de stationnement dans les hôpitaux était primordiale pour la Coalition avenir Québec. Mais, depuis, plus rien. C’est comme s’ils avaient oublié leur engagement. […] Pourtant, de tous ses engagements en santé, c’est le plus simple à régler, avec un impact immédiat pour les Québécois.

Le député libéral André Fortin, porte-parole en matière de santé, le 19 septembre dernier

La ministre McCann avait répliqué que l’engagement serait réalisé à l’intérieur du mandat et qu’il n’était pas si simple à concrétiser. Il faut trouver les budgets, puis s’assurer que les utilisateurs du stationnement se rendent à l’hôpital et non ailleurs, disait-elle. Ces difficultés ont tout l’air d’avoir été aplanies dans les derniers jours. Une deuxième source caquiste a fait savoir que le gouvernement n’avait aucun intérêt à traîner plus longtemps ce caillou dans son soulier.

Plus tôt cette année, Danielle McCann a décrété un gel des tarifs après avoir appris que des établissements avaient revu leur grille tarifaire à la hausse.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Danielle McCann, ministre de la Santé et des Services sociaux

Son prédécesseur, Gaétan Barrette, avait quant à lui émis une directive aux établissements, qui sont chargés d’autofinancer le service de stationnement, exigeant que la tarification soit « progressive » et adaptée « à la situation clinique » des personnes. Depuis 2017, le ministère de la Santé exige que les 30 premières minutes soient gratuites et que le maximum des frais pour la journée soit facturé après seulement quatre heures d’utilisation.

Au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), le tarif s’élève à 22 $ dès que l’on dépasse 90 minutes, 2 $ de moins que le maximum de 24 $.

Notons que dans les régions éloignées des grands centres, des établissements offrent le stationnement gratuitement, comme sur la Côte-Nord, ou à un tarif limité entre 3 $ et 5 $. Les tarifs les plus élevés se trouvent en milieu urbain.

« Obstacle direct aux soins »

Le Protecteur du citoyen a dénoncé à quelques reprises les frais de stationnement qui « peuvent représenter un obstacle direct aux soins et aux services ». Il avait découvert, à la lumière d’une plainte, que « les tarifs quotidiens de stationnement d’un centre hospitalier étaient supérieurs aux tarifs observés dans la même ville pour des espaces équivalents ».

Les parcs de stationnement qu’exploitent les établissements du réseau de la santé et des services sociaux constituent des activités commerciales qui doivent s’autofinancer. Dans le cas dénoncé, les frais étaient plutôt fixés pour maximiser les revenus.

Le Protecteur du citoyen

Le gouvernement Legault a subi des pressions dans les dernières semaines afin de baisser les tarifs. Des groupes, dont l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP), l’ont pressé de concrétiser sa promesse au plus vite. L’AQRP a souligné que les CISSS et les CIUSSS dégageaient des profits importants avec les stationnements – près de 5 millions par année à Montréal, à Laval, dans Lanaudière et au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

De son côté, le FM 93, station de Québec du réseau Cogeco, a lancé une pétition demandant au gouvernement de respecter sa parole. Elle est parrainée par le député Fortin et diffusée sur le site web de l’Assemblée nationale. Elle compte 6704 signatures à ce jour.

« Mini-budget » à venir

En entrevue avec La Presse plus tôt ce mois-ci, le premier ministre François Legault avait présenté la mise à jour économique à venir le 7 novembre comme un « mini-budget ».

« Ce qu’on regarde, c’est la possibilité de devancer certaines de nos trois mesures importantes : la réduction des taxes scolaires, l’augmentation des allocations familiales et l’élimination de la taxe famille, donc le retour au tarif unique dans les garderies. On n’est pas encore décidés », avait-il affirmé. La Presse avait révélé que le gouvernement entendait accélérer la réalisation de ces trois promesses, pour lesquelles il a déjà fait un bout de chemin depuis son arrivée au pouvoir.

À peu près au même moment, François Legault avait demandé à son équipe d’intégrer l’enjeu des tarifs de stationnement aux éléments à considérer pour le mini-budget. Le premier ministre a d’ailleurs indiqué hier que les citoyens lui demandaient fréquemment d’alléger leur fardeau. « Le message vient du terrain : il faut remettre de l’argent dans le portefeuille des Québécois », ce qui sera fait dans la mise à jour du 7 novembre, a-t-il affirmé lors d’un passage à Québec.

L’état des finances publiques lui permet de se faire un peu plus généreux que le plan prévu dans le budget du printemps.

Québec enregistre déjà un surplus de 824 millions de dollars après les trois premiers mois de l’exercice financier, signalait un rapport du ministère des Finances à la fin de septembre.

Les revenus autonomes du gouvernement ont augmenté de 1,3 % d’avril à juin, tandis que le budget déposé au printemps prévoyait une hausse de 0,6 %.

À l’Assemblée nationale jeudi, Eric Girard soulignait que la croissance économique pour les six premiers mois de l’année avait atteint 2,7 % alors qu’il a tablé sur une prévision de 1,8 % pour écrire son budget. Il plastronnait devant l’opposition au Salon bleu : « La semaine dernière, j’étais à une conférence, à New York, qui parlait du Canada, et tous les participants voulaient savoir qu’est-ce qui se passe au Québec, pourquoi le Québec fait si bien, pourquoi le Québec surperforme la moyenne canadienne. »

Le passé n’est pas toujours garant de l’avenir en économie, mais rappelons que Québec a accumulé un surplus considérable de 4,4 milliards l’an dernier.