(Québec) Même si le budget total du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) augmentera de 5,2 % en 2019-2020, la ministre Danielle McCann devra imposer près de 300 millions de compressions dans le réseau. La multiplication des radiographies et les factures de médicaments dans les centres d’hébergement et dans les hôpitaux sont sous la loupe du Ministère.

L’absentéisme des employés, les primes versées aux cadres et le manque d’efficacité des blocs opératoires sont également la source de questionnements au MSSS.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, devra réaliser des compressions de près de 300 millions, malgré une augmentation des crédits de 5,4 % pour 2019-2020.

Un document de synthèse de l’impact du dernier budget provincial sur le MSSS, obtenu par La Presse, relève que des économies de 170 millions sont attendues dans l’année en cours, une commande du Conseil du trésor, inspirée par le plan de match électoral de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Dans un surprenant détour, le document du MSSS reprend explicitement un volet du « cadre financier » publié par la CAQ durant la campagne électorale – on reproduit même une image de la page pertinente du programme caquiste, une référence inexplicable pour un document du gouvernement, présumé non partisan.

Des compressions malgré l’augmentation des crédits

La présentation de 48 pages du Ministère souligne l’importance de « renforcer l’efficience et la performance de nos activités pour mettre chaque dollar investi à valeur ajoutée maximale ». Aux crédits déposés ce printemps, le MSSS s’en est bien tiré avec une augmentation de 5,4 % pour 2019-2020. Ce sera 4,1 % d’augmentation l’an prochain.

Mais cette croissance cache une première tranche de 170,1 millions dans l’enveloppe de base du Ministère. On fait référence au « cadre financier électoral = mesures d’économie dévolues pour chaque mission gouvernementale dans quatre grandes catégories ». 

Le Ministère ne reprend pas les cibles de la CAQ, mais  retient les endroits où doivent se pratiquer les compressions : la gestion informatique, l’attrition du personnel, les coûts d’approvisionnement et la réévaluation des programmes.

On veut récupérer une cinquantaine de millions d’un meilleur contrôle des médicaments en centre d’hébergement, précise une source dans le réseau. Dans les hôpitaux, ce sont les antibiotiques qui seront davantage contrôlés. L’attrition du personnel est aussi une source d’économie.

Le Ministère entend se pencher sur la « pertinence en imagerie et dans le traitement des cancers via des algorithmes d’investigation, de traitement et de suivi ». En clair, on observe une multiplication des radiographies et on s’interroge sur leur pertinence. Le Ministère veut examiner le surdiagnostic, et entend mettre en place des règles quant à l’utilité de ces actes trop souvent répétés sans justification. Une trentaine de millions d’économies sont attendus de la réévaluation de ces examens.

Autres « économies potentielles »

En plus de cette première tranche de 170 millions de compressions attendues, le Ministère propose d’autres grands chantiers dont on pourrait obtenir 100 millions « d’économies potentielles ».

Le manque d’efficacité des blocs opératoires est source d’interrogations. À Québec, les machines d’imagerie par résonance magnétique fonctionnent même la nuit, tandis qu’au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), on estime que les blocs pourraient fonctionner 20 % de temps en plus, observe-t-on en coulisses.

Le Ministère veut par ailleurs améliorer la présence au travail. Depuis des années, les budgets d’assurance salaire des établissements affichent des déficits de dizaines de millions. Les politiques devant donner plus de pouvoir aux infirmières praticiennes spécialisées (« super infirmières ») pour réduire la pression sur les autres employés ont été annoncées, mais le projet de loi nécessaire pour modifier ce qui appartenait aux médecins pour l’étendre aux infirmières ne sera déposé qu’à l’automne.

Le document propose aussi de comparer l’efficacité des administrations en région par rapport à une moyenne provinciale. On veut aussi revoir le niveau des primes versées aux médecins et aux cadres du réseau.

34 % des 180 centres jeunesse évalués en deçà de « satisfaisant »

Aussi, 34 % des 180 centres jeunesse évalués n’avaient pas un niveau « satisfaisant » après inspection. Avant que la crise n’éclate à Granby, on prévoyait un renforcement des interventions en protection de la jeunesse, passant par une supervision clinique rehaussée, une facture de 18 millions. Le Ministère se donnait comme cible, d’ici 2022-2023, un délai moyen d’attente de moins de 20 jours entre la décision de retenir un signalement et le premier contact avec le jeune vulnérable.