Une jeune Canadienne venue au Québec pour subir une interruption de grossesse a vécu une expérience traumatisante en raison de ratés importants qui l’ont amenée à accoucher prématurément dans une chambre d’hôtel de la métropole.

Selon les informations obtenues par La Presse de diverses sources du secteur de la santé, la femme s’était adressée au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal pour interrompre sa grossesse.

Elle en était à plus de cinq mois de gestation lorsque l’intervention  – qui fait l’objet d’une enquête du Bureau du coroner du Québec – a été pratiquée en décembre.

L’établissement qui a pris son dossier en charge pratique régulièrement des avortements jusqu’à la fin du second trimestre de grossesse et offre occasionnellement le service à des Canadiennes incapables de le recevoir dans leur propre province.

Un protocole élaboré est suivi pour assurer que le processus se déroule correctement et des informations détaillées sont fournies aux patientes quant aux différentes étapes et aux risques inhérents à l’intervention.

De l’hôtel vers les urgences

La directrice des services professionnels du CIUSSS concerné, la Dre Julie Lajeunesse, précise qu’une entente de transfert a été conclue avec le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) pour assurer la prise en charge d’éventuelles complications.

Dans le cas de la Canadienne, la procédure d’interruption de grossesse – qui s’étale sur trois jours – a débuté comme d’habitude par une intervention visant à favoriser la dilatation du col.

Elle s’est poursuivie normalement le second jour avant que la jeune femme ne soit renvoyée pour la nuit à l’hôtel avec sa mère, qui l’accompagnait.

Après l’injection d’un produit précipitant un arrêt cardiaque du fœtus, une dernière séance était prévue le lendemain en clinique pour procéder à son extraction.

Des douleurs et des saignements ont commencé en soirée à l’hôtel, suscitant de vives craintes de la part de la patiente.

Le CIUSSS maintient un service de garde médical 24 heures sur 24 pour s’assurer que les femmes enceintes engagées dans le processus d’interruption de grossesse puissent demander de l’aide à tout moment. Le numéro à composer est précisé dans un document remis aux patientes dans la langue de leur choix.

La Dre Lajeunesse a indiqué qu’il y avait « sûrement » eu un échange entre le médecin de garde et la jeune femme pour lui donner la marche à suivre face aux symptômes qu’elle éprouvait.

Les choses se sont toutefois précipitées et les ambulanciers ont été appelés à se rendre à l’hôtel, où la jeune femme a accouché. Des massages cardiaques ont apparemment été tentés sur le bébé, qui a été transféré d’urgence vers l’Hôpital de Montréal pour enfants avec sa mère.

La jeune femme était paniquée et aurait demandé à son arrivée au personnel des urgences de « sauver son enfant ».

Sur place, d’autres manœuvres de stimulation cardiaque ont été tentées en vain avant que le décès ne soit constaté officiellement. L’arrêt cardiaque a été identifié comme la cause de la mort.

La patiente a été transférée dans un autre établissement, où le personnel a procédé à l’évacuation du placenta.

Profondément traumatisée

Les intervenants consultés par La Presse ont indiqué que la jeune femme avait été profondément traumatisée par l’expérience. Il n’a pas été possible de déterminer quel suivi avait été assuré après son départ de l’hôpital, l’établissement refusant d’aborder son cas pour des raisons de confidentialité.

Plusieurs employés de l’établissement ont été secoués. La porte-parole de l’Hôpital de Montréal pour enfants, Stéphanie Tsirgiotis, a déclaré qu’une séance de « débreffage » était généralement prévue lorsque survient un « évènement traumatisant ».

La Dre Lajeunesse a indiqué que l’expulsion précipitée d’un fœtus dans le cadre de la procédure d’avortement suivie est rare et que sa prise en charge a été compliquée dans le cas présent par des « problèmes de communication » ayant mené au transfert vers un autre établissement que le CHUM.

Le fait que la patiente soit anglophone a pu aussi contribuer au dysfonctionnement observé, souligne-t-elle.

La DSP a précisé que le CIUSSS entendait passer en revue ses procédures pour garantir que ce type de scénario ne puisse plus se reproduire à l’avenir.

Le Bureau du coroner du Québec a confirmé par courriel à La Presse qu’il avait été saisi du dossier, mais n’a pas précisé d’échéancier relativement à l’enquête en cours.

La Dre Lajeunesse a indiqué qu’elle n’avait pas encore été contactée par le coroner responsable. « On lui expliquera ce qui s’est passé », dit-elle.

Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal dispose d’une longue expérience en matière de prise en charge d’interruptions de grossesse de deuxième trimestre et chapeaute le programme de transfert aux États-Unis de patientes désirant une interruption de troisième trimestre, au-delà de 24 semaines de gestation.

Le gouvernement québécois a confirmé la semaine dernière à La Presse que des démarches étaient en cours pour tenter de « rapatrier » ce service. Le débat juridique sur l’avortement gagne en intensité aux États-Unis et fait craindre la fermeture de cliniques spécialisées offrant ce type d’intervention au sud de la frontière.