Avertissements en gros caractères et publicité limitée : les gouvernements devraient s'inspirer du tabac pour encadrer les boissons énergétiques, suggère une coroner qui a fait enquête sur un jeune mort après avoir consommé deux canettes de Red Bull.

Zachary Mitchell, 21 ans, portait sans le savoir un gène favorisant l'arythmie cardiaque. Cette prédisposition, conjuguée à la consommation de boisson énergisante, est probablement la cause de son décès, survenu dans un lac de l'Outaouais à l'été 2016, selon la coroner Pascale Boulay.

«M. Mitchell, si ça n'avait pas été de ça, il ne serait pas mort», a-t-elle affirmé en entrevue avec La Presse. «Il y a des risques qui sont associés à [ces breuvages] et ces risques-là je ne crois pas qu'ils soient bien connus.»

La coroner estime que les avertissements qui apparaissent actuellement sur les canettes sont trop petits et que les campagnes publicitaires axés sur le sport posent problème.

L'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) a applaudi à deux mains. Le groupe voudrait aussi que la vente de ces produits soit interdite aux mineurs.

«On va toujours refuser les comparaisons avec le tabac», a répliqué Martin-Pierre Pelletier, porte-parole de l'Association canadienne des boissons, qui a retourné l'appel logé chez Red Bull. «On ne peut pas comparer un produit sans danger avec un produit qui a des dangers.»

«Au moins deux canettes»

Le 20 août 2016, Zachary Mitchell se baignait avec des amis, lors d'une soirée de fête au chalet de l'un d'eux, lorsqu'il a sauté d'une galerie jusque dans un lac. Il a raté son plongeon et est tombé à plat ventre dans l'eau. Le jeune athlète est ensuite remonté à la surface et a affirmé à ses amis qu'il allait bien avant de sombrer.

Le jeune homme de la région d'Ottawa avait bu de l'alcool, mais sans exagération, et n'avait pas consommé de drogues. Il avait aussi consommé «au moins deux canettes» de Red Bull.

«Je suis d'avis que M. Mitchell a été victime d'un malaise arythmique à la suite de son plongeon, menant à une perte de connaissance dans l'eau», a écrit la coroner Boulay. Son rapport cite une étude australienne qui conclut justement qu'il suffit de deux canettes de boisson énergisante pour déclencher une arythmie chez des individus sans maladie cardiaque, mais qui portent un gène comme celui du jeune homme.

La coroner recommande à Santé Canada d'obliger les producteurs de ces boissons à mieux prévenir les consommateurs «à l'image des compagnies de tabac» et d'interdire les publicités à saveur sportive. Elle demande aussi à Québec de lancer une campagne de sensibilisation.

«Les indications sont déjà très claires, c'est déjà évident. Il n'y a pas besoin d'envahir davantage la cannette», a affirmé M. Pelletier de l'Association canadienne des boissons. «On ne voit pas pourquoi les boissons énergisantes devraient avoir un encadrement encore plus grand que celui qu'il ont déjà.»

«On observe de plus en plus de cas de jeunes qui sont dépendants à la caféine», déplore Émilie Dansereau de l'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ). Elle déplore que les boissons énergétiques ciblent les adolescents et les jeunes adultes. «Il faut encadrer le marketing, sans l'ombre d'un doute.»

Santé Canada a indiqué que ses fonctionnaires étudiaient le rapport.