Une poursuite judiciaire et l'annulation de l'ajout de services en région. C'est ce qui attend le gouvernement Legault, s'il gèle la rémunération des 10 000 médecins spécialistes comme il en a annoncé l'intention plus tôt cette semaine, prévient leur chef syndicale, Diane Francoeur.

De retour d'un congrès à l'étranger, la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) a réagi en entrevue avec La Presse, hier, à la sortie récente du premier ministre François Legault. Ce dernier a annoncé mercredi un gel de la rémunération des spécialistes, sans toutefois en préciser les contours.

« Il y avait des augmentations prévues qui vont être mises en fiducie. Donc, ça ne sera pas donné, à partir de maintenant », disait-il. Selon ses propos, le versement de ces hausses est suspendu d'ici à ce que soit renégociée l'entente intervenue plus tôt cette année entre la FMSQ et le gouvernement Couillard.

Le premier ministre n'a pas chiffré les sommes en cause. En campagne électorale, la Coalition avenir Québec avait affirmé qu'elle retiendrait 192 millions pour 2019-2020 et 289 millions pour 2020-2021.

Geler la rémunération et mettre l'argent en fiducie, « ça veut dire rouvrir l'entente, et ça ne pourra pas arriver », a soutenu Diane Francoeur. « Si M. Legault décide de façon unilatérale de rouvrir l'entente, on va contester devant les tribunaux, point final. »

La présidente de la FMSQ attend toujours des précisions du gouvernement au sujet du gel. Elle aura un entretien la semaine prochaine avec le président du Conseil du trésor, Christian Dubé - qui doit rencontrer mardi son équipe de négociation pilotée par Édith Lapointe.

Selon Mme Francoeur, il n'y a aucune nouvelle augmentation de tarif au bénéfice des médecins jusqu'en 2023. La seule hausse tarifaire dans l'entente atteignait 5,2 % et a été accordée cet été, avant le déclenchement des élections, comme le prévoyait l'entente Québec-FMSQ.

Le seul ajout à venir à l'enveloppe de rémunération - si l'on exclut le financement lié à l'arrivée de nouveaux médecins - se chiffre à 125 millions de dollars, selon elle. Soixante-cinq millions doivent servir à payer les chefs de département et d'autres fonctions médicalo-administratives des spécialistes. Et 60 millions sont destinés à un plan pour éviter les ruptures de services en région dans les spécialités de base (anesthésie, par exemple). Ces sommes devaient être versées au début de 2019.

« REPARTIR EN GUERRE »

Diane Francoeur comprend des propos de M. Legault au sujet du gel que le gouvernement n'accorderait pas ces deux enveloppes et les mettrait dans une fiducie. Un tel geste reviendrait à annuler l'ajout de services, a-t-elle insisté. « M. Legault a été élu en région, ce serait étonnant qu'il veuille leur couper des services ! »

Elle ne voit aucun intérêt à renégocier l'entente, qui « a été bien faite » et « négociée de bonne foi ». Ses membres n'ont aucune envie de « repartir en guerre ». « Renégocier une entente, savez-vous ce que ça veut dire ? Ça veut dire pas de nouveaux services à la population pour encore une autre année, on taponne, on piétine, tout le monde est déprimé, le moral des troupes est mauvais. »

Elle qualifie de « conclusions hâtives » les propos de M. Legault selon lesquels l'étude comparative entre la rémunération des spécialistes québécois et celle de leurs collègues des autres provinces n'est pas encore commencée. Il y a eu cinq rencontres en présence de l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), a-t-elle souligné. Elle reconnaît cependant que le devis final n'a pas encore été signé en raison « d'un niveau de difficulté à obtenir les données des autres provinces ». Diane Francoeur est favorable à ce que l'analyse soit produite rapidement, comme le souhaite le gouvernement. Ce dernier veut l'étude avant de renégocier l'entente.