Du Québec aux États-Unis en passant par la France, des malades affirment souffrir d'une forme « chronique » de la maladie de Lyme - cette infection transmise par une tique et qui est en pleine progression au Québec. Ils ne sont pas toujours pris au sérieux par le corps médical, plusieurs grandes agences de santé ne reconnaissant pas cette forme de la maladie.

Or, un expert français qui a milité pour modifier les protocoles officiels en France viendra aujourd'hui à Québec donner son soutien à ces malades. Christian Perronne, chef de l'Unité des maladies infectieuses et tropicales à l'Hôpital universitaire Raymond-Poincaré, témoignera devant la Commission de la santé et des services sociaux de l'Assemblée nationale.

« Je vais montrer que la forme chronique de la maladie, qui souvent n'est pas acceptée dans plusieurs pays, est maintenant une évidence scientifique dans les publications. C'est ça, le message important », a-t-il dit à La Presse hier soir, à sa descente de l'avion.

En avril, la France dévoilera un nouveau « protocole national de diagnostic et de soins » concernant la maladie de Lyme, auquel le professeur Perronne a largement contribué. Sans en dévoiler les détails, M. Perronne affirme que ce protocole reconnaîtra que les tests diagnostiques actuels ne permettent pas de détecter tous les cas, et ouvrira la porte à des traitements qui sortent des directives strictes actuelles.

Ce protocole doit encore faire l'objet d'approbations officielles, mais fait l'objet d'un « consensus », selon le professeur Perronne. «  On n'est pas d'accord sur tout, mais on a trouvé un consensus sur un texte court », explique-t-il.

UNE INTENSE CONTROVERSE

La façon de diagnostiquer et de traiter la maladie de Lyme fait l'objet d'une intense controverse scientifique. De nombreux malades se plaignent de symptômes comme la fatigue, les douleurs articulaires ou les troubles neurologiques, qu'ils attribuent à la maladie de Lyme. Les tests diagnostiques reconnus, pourtant, ne permettent pas de détecter la maladie. Au Québec, un groupe d'infectiologues a fait paraître une lettre ouverte, en 2016, dans laquelle il qualifiait « d'antiscience » les diagnostics et traitements alternatifs pratiqués par certaines cliniques. Aux États-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et l'Infectious Diseases Society of America, deux grandes agences de santé, considèrent également que les tests actuels suffisent et que les traitements devraient se limiter aux recommandations officielles (des antibiotiques pour une durée de deux à quatre semaines).

Pour le professeur Perronne, ces agences sont « dans le déni » et basent leurs conclusions sur des connaissances qui ne sont pas à jour. D'autres voix discordantes, dont plusieurs venant d'experts et de médecins reconnus, s'élèvent aussi pour critiquer l'école de pensée dominante. Certains médecins prescrivent maintenant des traitements d'antibiotiques de plusieurs mois contre la maladie de Lyme, une hérésie aux yeux de ceux qui prônent les lignes officielles.

« Quand on accuse les malades d'être hystériques et psychosomatiques, c'est complètement faux, dit Christian Perronne. Les médecins français qui s'occupent de la maladie de Lyme chronique ne guérissent pas tout, mais améliorent beaucoup les symptômes et guérissent 80 % des gens. »

Le professeur Perronne a été invité à parler à Québec par l'Association québécoise de la maladie de Lyme, un regroupement de malades. En février, cette association a appris que la Commission parlementaire de la santé et des services sociaux allait donner suite à la pétition de 9000 noms qu'elle avait déposée, un événement rare. Cette pétition, soutenue par le député péquiste de Labelle Sylvain Pagé, réclamait que la maladie de Lyme soit reconnue comme un « problème urgent de santé publique » et qu'une protection légale soit accordée aux médecins qui prodiguent des soins qui s'écartent du protocole officiel.

L'Association québécoise de la maladie de Lyme, l'Institut national de santé publique du Québec et le Directeur national de santé publique seront aussi entendus aujourd'hui.

Photo Bertrand Guay, archives Agence France-Presse

Certains médecins prescrivent maintenant des traitements d'antibiotiques de plusieurs mois contre la maladie de Lyme, une hérésie aux yeux de ceux qui prônent les lignes officielles.