Il n'y a jamais eu autant de médecins « actifs » au Québec, et pour la première fois, la pratique compte plus de femmes que d'hommes. C'est ce que révèlent les statistiques annuelles publiées par le Collège des médecins sur les effectifs médicaux de la province. Analyse.

« LE PLAFOND DE VERRE EST BRISÉ »

Pour la première fois au Québec, il y a plus de femmes que d'hommes qui pratiquent la médecine. « C'est une grande nouvelle. Le plafond de verre est brisé », se réjouit le président du Collège des médecins, le Dr Charles Bernard. Le ratio parmi les médecins qui sont « actifs » est désormais de 10 179 femmes (50,1 %) et de 10 134 hommes (49,9 %), a dévoilé le Collège des médecins hier.

UNE TENDANCE DURABLE

Lorsqu'on regarde du côté de la relève, on observe que la profession médicale se féminisera encore davantage au cours des prochaines années. Sur un total de 3863 étudiants en médecine, on compte actuellement 2434 femmes (63 %) et 1429 hommes (37 %). Du côté de la formation postdoctorale, il y a actuellement 2067 résidentes (55,7 %) et 1647 résidents (44,3 %). La proportion du nombre de femmes médecins augmente d'environ 1 % par année, selon le Collège des médecins.

NOMBRE RECORD DE MÉDECINS EN GÉNÉRAL

Il n'y a jamais eu autant de médecins « actifs » au Québec. Quelque 23 187 médecins sont inscrits au tableau de l'ordre, dont 20 909 sont des « membres actifs ». La province en compte d'ailleurs 261 de plus que l'an dernier. Mais comment se fait-il alors que tous les Québécois n'aient pas encore de médecins de famille et qu'il y ait des ruptures de services dans des hôpitaux en région faute de médecins spécialistes ? « Si vous me demandez s'il y a assez de médecins au Québec pour faire la job, la réponse est oui, parce qu'on n'en a jamais eu autant, dit le Dr Bernard, du Collège des médecins. Ensuite, c'est une question de répartition dans les spécialités et dans les régions, et ça, ce n'est pas le Collège des médecins qui décide, c'est le gouvernement. »

MÉDECINE DE FAMILLE PLUS ATTRAYANTE...

Près de la moitié des médecins qui exercent leur profession au Québec sont des médecins de famille (47,7 %). D'ailleurs, parmi les 261 nouveaux médecins, 60 % d'entre eux pratiquent la médecine de famille. Une statistique qui réjouit le Regroupement provincial des comités des usagers. « Cette augmentation est une excellente nouvelle ; elle correspond à un grand besoin, souligne son porte-parole par intérim Mathieu Santerre. Nous réclamons un meilleur accès aux médecins de famille depuis plusieurs années déjà. »

... MAIS PAS ENCORE ASSEZ

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) se réjouit aussi de la nouvelle, mais ne crie pas victoire pour autant. « C'est encourageant qu'il y ait plus de jeunes médecins qui choisissent la médecine de famille, mais on a encore des difficultés d'attractivité, puisque 56 postes d'omnipraticiens n'ont pas été comblés l'an dernier », explique le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin. De concert avec la FMOQ, le gouvernement projetait qu'il y aurait 225 nouveaux médecins de famille au Québec en 2017, alors qu'il y en a finalement eu 181, indique le Dr Godin. « Nous sommes l'une des seules provinces canadiennes - sinon la seule - à avoir moins de médecins de famille que de médecins spécialistes. On a encore des progrès à faire », conclut le Dr Godin.

EN RÉGION, LEUR NOMBRE AUGMENTE AUSSI

Dans la grande majorité des régions, le nombre de médecins a augmenté. La Montérégie est la région qui a connu la hausse la plus importante en 2017, soit 52 professionnels. À l'inverse, Québec (- 12) et Montréal (- 5) ont vu le nombre de leurs médecins actifs diminuer au cours de l'année. Une hausse marquée des effectifs médicaux est aussi observée en Outaouais (+ 36) et dans Lanaudière (+ 40) cette année. Les deux régions mieux pourvues en effectifs médicaux, soit Québec et Montréal, ont connu une légère baisse cette année au profit de régions où les besoins sont plus criants, analyse le Dr Bernard, du Collège des médecins. « On voit que les répartitions se font davantage en fonction des besoins », précise le Dr Bernard.

LES COMITÉS DES USAGERS APPLAUDISSENT

Le Regroupement provincial des comités des usagers applaudit le fait que les régions dans lesquelles les hausses sont les plus marquées correspondent à des régions qui n'ont pas encore atteint la cible de 85 % fixée par le ministre de la Santé Gaétan Barrette concernant le taux d'inscription à un médecin de famille. « On en déduit que les nouveaux médecins sont allés travailler là où les besoins en médecins de famille sont les plus criants », souligne le porte-parole par intérim du Regroupement, Mathieu Santerre.

LE MINISTRE BARRETTE VANTE SA RÉFORME

Cette hausse des effectifs médicaux dans les régions les moins bien pourvues en médecins est le résultat de la plus récente réforme du système de santé, se réjouit pour sa part le ministre de la Santé Gaétan Barrette. « C'est pour cela que j'ai fait la loi 20 et la loi 130. Depuis au moins cinq ans, chaque année, on a un nouveau record du nombre de médecins actifs pour une population qui n'augmente pas à la même vitesse; conséquemment, il fallait intervenir, explique le ministre Barrette. J'ai resserré progressivement les règles d'admission de postes de façon à ce que ce soit de plus en plus difficile d'avoir accès à un poste dans une région déjà bien pourvue [en médecins]. »

TROP DE MÉDECINS ?

Le gouvernement du Québec a aussi réduit l'automne dernier le nombre d'étudiants admis en médecine, de crainte de former des médecins chômeurs. Au total, 17 étudiants de moins ont été admis dans les quatre facultés de médecine de la province l'automne dernier par rapport à l'année précédente. De pareilles diminutions sont à prévoir pour les deux années suivantes, pour arriver à un total de 51 en trois ans. Le ministre de la Santé Gaétan Barrette affirme que les démographes du gouvernement - dont il vante le travail, par ailleurs - l'avertissent depuis trois ans de réduire le nombre d'admissions dans les facultés de médecine pour ne pas se retrouver avec un surplus de médecins. Le ministre Barrette affirme qu'il a agi de façon « prudente » en réduisant les admissions, mais pas à la vitesse suggérée par ses démographes. Pour sa part, sans s'y être formellement opposé l'an dernier, le Collège des médecins s'oppose toutefois à ce que cette baisse se poursuive au cours des prochaines années. « Avec le nombre de médecins qu'on a aujourd'hui, théoriquement, on devrait atteindre les objectifs que tout le monde souhaite, soit que la population ait accès à un médecin quand elle en a besoin. Il ne faudrait pas reculer là-dessus en réduisant les admissions », précise pour sa part le Dr Bernard.