Des médecins de famille qui se présentent au travail sans aucun patient à soigner. Des patients sur une liste d'attente pour la clientèle orpheline qui tombent dans l'oubli à cause d'un secrétariat médical débordé. Les dénonciations chez les omnipraticiens du Québec sont nombreuses. Tel est le constat deux mois après la mise sur pied d'une ligne de dénonciation de «l'inacceptable et [du] désastreux» à la disposition des membres de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

Le service de messagerie électronique baptisé «Ligne utilisée pour communiquer l'inacceptable et le désastreux» (Lucide) est né d'un comité de la Fédération qui discute à l'occasion des récriminations des médecins.

«On a l'habitude d'entendre des histoires de couloirs [...]. La ligne permet d'avoir un portrait plus clair. Les difficultés sont nombreuses et persistantes dans le réseau. On reçoit en moyenne un ou deux courriels par jour, c'est constant», explique Jean-Pierre Dion, directeur des communications de la FMOQ, qui a tracé un bilan dans des revues médicales internes.

Afin de s'assurer de la véracité des témoignages, les médecins sont priés de s'identifier, a-t-il expliqué à La Presse. Mais leur identité demeure confidentielle, sauf avis contraire. Les plaintes reçues serviront à illustrer «l'absence de soutien» auprès des grands acteurs de la santé du gouvernement.

Le difficile accès aux spécialistes, particulièrement en radiologie, revient fréquemment dans les plaintes. Tout comme les «ratés» du système informatique du Centre de répartition des demandes de services (CRDS), pourtant censé faciliter les requêtes vers des spécialistes, en cardiologie, gastroentérologie, orthopédie, etc.

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14 : Nombre de Centres de répartition des demandes de services (CRDS) qui devraient être implantés au Québec. Le CRDS est censé être le seul point de chute pour toute nouvelle demande pour une consultation en médecine spécialisée.

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Un autre exemple patent est celui d'un médecin de famille qui s'indigne de devoir dorénavant demander une consultation en pédiatrie pour avoir accès aux services de pédopsychiatrie pour des enfants souffrant d'un TDAH (trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité). «C'est comme exiger une consultation en médecine interne avant de voir un spécialiste. Nous pensons avoir les compétences pour diriger nos patients en pédopsychiatrie», s'insurge la clinicienne.

«On a eu un cas où le CLSC n'avait plus de responsable pour faire le lien avec l'hôpital pour des échantillons de laboratoire, relate M. Dion. C'est toute la notion de confidentialité qui est bafouée. On a des endroits où on en est rendu à pallier le manque de soutien administratif avec des infirmières auxiliaires.»

À moins d'une plainte mettant en danger la santé d'un patient, la FMOQ n'a pas pris le mandat d'entreprendre des actions immédiates auprès des instances concernées. Rien n'est toutefois pris à la légère et l'information doit circuler, indique-t-on.

Les médecins spécialistes aussi

À la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), une adresse courriel est mise à la disposition des médecins pour dénoncer les aberrations. Quand il y a une crise, les courriels entrent par centaines, a-t-on indiqué. Les médecins spécialistes dénoncent eux aussi les «ratés épouvantables» du CRDS. D'ailleurs, la FMSQ a rapporté il y a quelques semaines au quotidien Le Soleil avoir formellement mis en demeure le ministère de la Santé d'apporter des correctifs informatiques d'ici le 15 août prochain.