Le Collège des médecins travaille à la création d'un guide afin d'éviter que des patients ne deviennent accros malgré eux aux médicaments contre la douleur.

Lorraine, 71 ans, est devenue malgré elle dépendante aux opioïdes il y a trois ans après qu'on lui eut prescrit des opiacés pour soigner les douleurs liées à une opération du genou. Pour cette résidante de la Montérégie, la lutte contre cette dépendance fut ardue. Conscient du fait que des patients peuvent devenir dépendants aux opiacés qu'ils se font prescrire, le Collège des médecins du Québec planche actuellement sur la création d'un Guide d'exercice sur la douleur aiguë.

« Il faut que les médecins s'assurent que le traitement de la douleur aiguë ne devienne pas chronique. Qu'on ne chronicise pas l'usage des opiacés », explique le secrétaire du Collège des médecins, le Dr Yves Robert.

En novembre 2014, Lorraine subit une reconstruction du genou. Afin de soulager sa douleur, son orthopédiste lui prescrit de l'oxycodone. « Je prenais le médicament comme prescrit. Un mois après avoir commencé, je suis retournée voir mon médecin et je lui ai dit qu'on aurait dit que j'étais devenue accro. Je sentais que j'en avais besoin tout le temps », raconte Lorraine.

Malgré cet avertissement, son orthopédiste renouvelle son ordonnance. En janvier, Lorraine est de plus en plus mal. « J'ai commencé à faire des crises de panique. Je ne pensais qu'à ma prochaine dose », dit-elle.

Désintoxication

Lors d'une rencontre avec son orthopédiste en février, ce dernier remarque son état. Il diminue alors la dose d'oxycodone et oriente Lorraine vers un spécialiste en dépendances. En attendant d'obtenir un rendez-vous, Lorraine voit son état empirer.

« Je ne mangeais plus. Je ne dormais plus. Je n'avais pas mal, mais j'avais une fébrilité intérieure intense. Mon corps voulait le médicament au point que je ne pensais qu'à ça. Je comptais les minutes entre chaque dose. »

Après avoir envisagé d'avaler sa boîte complète de médicament, Lorraine est amenée d'urgence par ses proches en centre de désintoxication. Un séjour difficile. « J'étais avec des gens bien plus jeunes que moi », se souvient-elle. Le séjour permettra à Lorraine de vaincre sa dépendance.

Mais l'an dernier, la dame a subi une reconstruction de son autre genou. « À ma grande surprise, même en connaissant mon passé, le médecin, un autre, m'a prescrit du Dilaudid pour soulager la douleur. J'ai refusé de le prendre. J'ai eu très mal. Mais je ne voulais pas retomber », dit-elle.

Pour Lorraine, les médecins doivent être « plus conscients de ce qu'ils donnent aux patients ».

Un guide pour aider les médecins

Mercredi, le Bureau du coroner du Québec a publié des données montrant que le nombre de personnes ayant succombé à une surdose de fentanyl, un puissant opioïde, a augmenté de plus de 170 % entre 2014 et 2015 pour atteindre 30 cas. Une portion de ces morts touchent des gens qui, comme Lorraine, sont devenus dépendants aux opioïdes à la suite d'un traitement contre la douleur.

Conscient du problème, le Collège des médecins est en train de revoir son guide d'exercice sur la douleur chronique. Il planche également sur la création d'un guide d'exercice sur la douleur aiguë.

Selon le Dr Robert, les médecins doivent apprendre à bien associer leur traitement à la douleur réelle du patient. « Des outils seront développés pour aider les médecins dans ce domaine », dit-il.

Le Dr Robert reconnaît que certains médecins ont tendance à « appliquer une recette » pour soulager la douleur de patient plutôt que d'ajuster le traitement à la douleur réellement ressentie. « Après une opération, la douleur est plus aiguë dans la première semaine, mais diminue par la suite. Il n'y a aucune raison de ne pas adapter la médication », dit-il.

Pour le Dr Robert, le guide de pratique ne permettra pas d'éviter tous les problèmes de dépendance aux opiacés. « Mais c'est un problème complexe et il faut plusieurs solutions pour le résoudre », note-t-il.